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cet esprit est resté la loi la plus profonde de tout mon développement intellectuel et moral.

Saint-Sulpice doit son origine à un homme dont le nom n’est point arrivé à la grande célébrité, car la célébrité va rarement chercher ceux qui ont fait profession de fuir la gloire et dont la qualité dominante a été la modestie. Jean-Jacques Olier, issu d’une famille qui a donné à l’état un grand nombre de serviteurs capables, fut le contemporain et le coopérateur de Vincent de Paul, de Bérulle, d’Adrien de Bourdoise, du père Eudes, de Charles de Gondren, de ces fondateurs de congrégations ayant pour objet la réforme de l’éducation ecclésiastique, qui ont eu un rôle si considérable dans la préparation du XVIIe siècle. Rien n’égale l’abaissement des mœurs cléricales sous Henri IV et dans les commencemens de Louis XIII. Le fanatisme de la Ligue, loin de servir à la règle des mœurs, avait beaucoup contribué au relâchement. On s’était tout permis, parce qu’on avait manié l’escopette et porté le mousquet pour la bonne cause. La verve gauloise du temps de Henri IV était peu favorable à la mysticité. Tout n’était pas mauvais dans la franche gaîté rabelaisienne qui, à cette époque, n’était pas tenue pour incompatible avec l’état ecclésiastique. A beaucoup d’égards, nous préférons la piété amusante et spirituelle de Pierre Le Camus, l’ami de François de Sales, à la tenue raide et guindée qui est devenue plus tard la règle du clergé français et qui a fait de lui une sorte d’armée noire à part du monde et en guerre avec lui. Mais il est certain que, vers 1640, l’éducation du clergé n’était pas au niveau de l’esprit de règle et de mesure qui devenait de plus en plus la loi du siècle. Des côtés les plus divers on appelait la réforme. François de Sales avouait n’avoir pas réussi dans cette tâche. Il disait à Bourdoise : « Après avoir travaillé pendant dix-sept ans à former seulement trois prêtres tels que je les souhaitais pour m’aider à réformer le clergé de mon diocèse, je n’ai réussi qu’à en former un et demi. » Alors apparaissent les hommes d’une piété grave et raisonnable que je nommais tout à l’heure. Par des congrégations d’un type nouveau, distinct des anciennes règles monacales et imité à quelques égards des jésuites, ils créent le séminaire, c’est-à-dire la pépinière soigneusement murée où se forment les jeunes clercs. La transformation fut profonde. De l’école de ces grands maîtres de la vie spirituelle sort ce clergé d’une physionomie si particulière, le plus discipliné, le plus régulier, le plus national, à quelques égards le plus instruit des clergés, qui remplit la seconde moitié du XVIIe siècle, tout le XVIIIe, et dont les derniers représentans ont disparu il y a une quarantaine d’années. Parallèlement à ces efforts d’une piété orthodoxe, se dresse Port-Royal, très supérieur à Saint-Sulpice, à Saint-Lazare, à la Doctrine chrétienne et même à