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enlevés par la révolution. La plupart des écrivains qui ont traité de la matière ont trop négligé ce point de vue ; ils ont fait à la république un mérite d’avoir fondé le budget de l’instruction publique. Nous ne sommes que justes en rappelant de quels élémens se forma ce budget.

Mais ce n’était pas tout de prendre les bâtimens des ci-devant collèges ou des ci-devant abbayes pour les transformer en écoles centrales et de voter les fonds nécessaires à leur entretien. Il fallait peupler ces écoles, et c’est ici que la tâche devenait singulièrement difficile. Les anciens collèges, si incomplet que fût leur enseignement, avaient une clientèle d’élèves et un corps de professeurs tout formés. Les écoles centrales soulevèrent, dès leur apparition, d’extrêmes défiances ; outre l’hostilité de tout ce qui tenait à l’ancien régime, elles eurent à lutter contre des habitudes et des préjugés invétérés. Les familles étaient faites à l’ancienne division des classes et des études ; elles virent avec inquiétude cette division bouleversée, et des matières peu connues, telles que la grammaire générale, prendre la place des anciens cours. Toutes ces nouveautés parurent suspectes et déplurent ; il eût fallu, pour les faire accepter, des programmes très habilement rédigés et de bons maîtres surveillés de très près par une administration vigilante. Tous ces élémens de succès manquèrent aux écoles centrales. À peine organisées, on les livra pour ainsi dire à elles-mêmes, ou, ce qui ne valait guère mieux, au caprice des administrations départementales et à l’ignorance des jurys d’instruction. Le directoire ne sut ni les soumettre à des règlemens communs ni recruter leur personnel enseignant. Ce n’était pas à la vérité chose facile, et la convention, certes, avait légué une bien rude tâche à ses successeurs en bouleversant tout le système d’études en vigueur avant elles, sans se préoccuper de former, au préalable, un corps de professeurs capable de se plier à la nouvelle organisation de l’enseignement.

Quoi qu’il en soit, les écoles centrales ne purent jamais triompher de l’espèce de discrédit qui les frappa dès leur fondation. À part quelques brillantes exceptions, comme Paris, Besançon et Montpellier, on peut dire qu’elles végétèrent. C’est en vain qu’on a prétendu le contraire ; les chiures sont là ; nous en avons relevé quelques-uns dans les états adressés par les administrations départementales au ministère de l’intérieur[1]. Rien de plus instructif et de plus probant que les résultats auxquels on arrive en les additionnant.

Voici, par exemple, le nombre des élèves ayant suivi les cours dans les écoles de Lot-et-Garonne, d’Eure-et-Loir, des Basses-Pyrénées, de

  1. Arch. nat. F 63006, 63009, 63010, 63011, 63013, 63014.