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devine aisément. Incapables de faire passer des examens sérieux aux candidats professeurs, ils l’étaient également d’inspecter les classes, — et de fait ils n’y mettaient pas les pieds[1]. Ils ne résidaient même pas toujours au chef-lieu et ne se réunissaient que rarement, dans des circonstances extraordinaires, dit un rapport adressé par le bureau de l’instruction publique au ministre de l’intérieur, François de Neufchâteau, le 10 nivôse an VII[2].

Ce même ministre attribuait à la négligence et à l’apathie des jurys « la stagnation » des écoles. « Citoyen, écrivait-il à l’administration départementale de l’Eure, il ne m’est rien parvenu jusqu’ici qui indique des cours suivis, des exercices soutenus ; je n’ai reçu ni programme d’ouverture, ni annonce de distribution de prix. Vous avez, à la vérité, transmis les noms de quelques professeurs nommés, mais j’ignore s’ils remplissent leurs fonctions et je pourrais douter de l’existence même de votre école[3]. » C’est ainsi que le gouvernement était renseigné par les administrations départementales et les jurys d’instruction, ses seuls représentans près des écoles centrales. On conçoit ce qu’une pareille incurie devait couvrir d’abus. Les corps les plus fortement constitués ont besoin d’être stimulés, faute de quoi leur zèle finit par se lasser. À plus forte raison, le corps des professeurs des écoles centrales, recruté sans aucune règle, avait-il besoin d’être surveillé de très près. Le directoire en avait le sentiment ; malheureusement, il ne comprit pas que c’était le système lui-même qu’il fallait réformer, et nous le verrons s’épuiser en vains efforts pour galvaniser les autorités préposées à la direction de l’instruction publique. Il

  1. Dans son rapport aux consuls sur la situation de la 14e division militaire (Calvados, Manche et Orne), Fourcroy s’exprime ainsi :
    « Le jury de l’école centrale de la Manche est composé de cinq membres, hommes de mérite, mais ils sont séparés dans différentes villes du département et ils communiquent par écrit. »
    Dans un autre rapport aux consuls du citoyen Najac, conseiller d’état en mission dans la 19e division militaire (Rhône, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Cantal), je trouve ce passage :
    « L’organisation des écoles centrales est incomplète… Il n’y a en général ni régularité dans l’enseignement, ni subordination, ni tenue, et souvent ni conduite de la part des professeurs. Une partie des membres du jury est sans instruction et n’a pas la confiance publique. »
  2. Archives nationales, F 17 3000.
  3. « Depuis près de deux ans, écrit encore le ministre de l’intérieur, le 19 prairial an VI, aux administrateurs du département de l’Indre, je n’ai pas reçu la moindre lettre de l’administration centrale sur la situation de l’instruction publique dans votre département, il est temps enfin de sortir de cette insouciance funeste et de rompre un silence dont la faute, il est vrai, retombe en partie sur vos prédécesseurs, mais que vous partageriez si, dans le plus bref délai, vous ne me rendiez compte de l’état de votre école centrale. » (F. 63011.)