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« Citoyen ministre, écrivent le 8 pluviôse an VI, les administrateurs du département de l’Allier, les professeurs de l’école centrale gémissent depuis six mois dans l’attente de leurs justes salaires et les réclament inutilement, puisque les crédits ouverts ne se paient pas. »

« Nous touchons au sixième mois de l’an VI, écrivent les professeurs de l’école centrale de Soissons, et nous n’avons encore rien reçu de notre traitement. »

« Voilà bientôt sept mois que les professeurs de l’école centrale. de l’Aisne n’ont reçu aucun traitement, écrit le 25 germinal an VI, le citoyen Levasseur au président du directoire exécutif ; une partie même de celui de l’an V leur est encore due. »

« Citoyen ministre, écrivent les professeurs de l’école centrale, Loir-et-Cher (le 14 brumaire an VI), le besoin et la détresse nous forcent de vous importuner d’une nouvelle pétition. »

« Citoyen ministre, écrivent le 1er  nivôse an VI, les professeurs de l’école centrale du Finistère, nous réclamons de vous un acte de justice. Depuis six mois nous n’avons rien touché de notre traitement et on nous fait craindre de plus longs retards. »

« Citoyen ministre, écrivent à Chaptal les professeurs de l’école centrale du Gers, on nous doit trois trimestres arriérés. »

« Depuis vingt et un mois, écrivent ceux de la Gironde, nous n’avons rien touché de notre traitement.

« Parfois l’ironie se mêle à la plainte « Nous finirons cette lettre, citoyen ministre, écrivent les professeurs de l’école centrale des Bouches-du-Rhône, en vous félicitant de faire beaucoup pour l’instruction publique et en vous priant de faire quelque chose pour les professeurs des écoles centrales qui meurent de faim au milieu des utiles projets que vous formez pour l’amélioration de l’espèce humaine. Veuillez bien, citoyen ministre, méditer la pensée d’Anaxagore à Périclès ; à la vérité, il s’en faut beaucoup que nous soyons des Anaxagores et vous valez bien Périclès ; mais s’il est doux et agréable de mourir pour son pays, il ne l’est pas également de mourir de faim lorsqu’on travaille pour le public et qu’on ne peut donner une autre direction à ses moyens et à sa volonté. »

Telle est, d’après les papiers du temps, l’exacte vérité sur la condition du corps enseignant dans les écoles centrales. Le tableau est, on le voit, assez sombre, et l’on comprend mieux, devant une telle incurie, les difficultés que les écoles centrales eurent à recruter leur personnel et, « la disette de sujets capables » dont il est question, à tout moment, dans la correspondance des jurys d’instruction. Quelle que fût l’indulgence de ces jurys, quelques efforts qu’ils