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véritable nécessité. La convention avait bien, il est vrai, chargé son comité d’instruction publique de « faire composer des livres élémentaires[1] » à l’usage des nouveaux établissemens. Mais elle s’y était prise bien tard, et quand elle mit fin à ses pouvoirs, la tâche était à peine ébauchée. Le conseil des cinq cents eut le tort de ne pas la reprendre, et ce fut seulement en l’an VII, sous l’administration de François de Neufchâteau, qu’on y revint. Le conseil d’instruction publique institué à cette époque fut chargé « d’examiner les livres élémentaires imprimés ou manuscrits et les cahiers des professeurs » et d’arrêter une liste de ceux de ses ouvrages qui lui sembleraient dignes d’être recommandés. Mais il ne paraît point qu’il en ait trouvé beaucoup. Il pensa, — c’est lui qui parle, — « qu’il fallait se servir des attributions qui lui étaient confiées pour empêcher qu’on introduisît dans les écoles cette foule de livres faits avec d’autres livres, ouvrages propres à déformer l’esprit comme le goût et qu’on présentait si souvent à son examen après les avoir faussement revêtus du titre de livres élémentaires. » Et il préféra « pour le moment s’en tenir aux auteurs les plus généralement suivis par les professeurs, c’est-à-dire, pour les langues, Gail et Guéroult ; pour l’histoire naturelle, Buffon, Jussieu, Daubenton, Lacépède, Cuvier ; pour les mathématiques, Bezout, Bossut, Legendre, Cousin ; pour la physique et chimie, Fourcroy, Brisson, Guitton, Haüy ; pour la grammaire générale, Condillac, Dumarsais, Duclos, Court de Gébelin, Locke et Harris ; pour les belles-lettres, Le Batteux, Blair, Condillac ; pour l’histoire, Rollin, Millot, Voltaire ; et pour la législation, Hobbes, Montesquieu, Filangieri, Beccaria et Burlamaqui, etc. La liste est imposante, et pour quelques médiocrités, comme Le Batteux ou Millot, qui s’y rencontrent, elle compte de très grands noms et des hommes de premier mérite. Toutefois il n’y avait pas là, surtout pour l’histoire, les belles-lettres, la grammaire générale et la législation, de quoi remplacer de bons manuels. La plupart de ces ouvrages étaient ou trop profonds ou de trop grande dimension pour pouvoir servir de livres de lecture courante à des écoliers. Aussi voit-on partout les professeurs obligés de consacrer le meilleur de leur temps à ces dictées de cahiers, qui sont la ressource des mauvais maîtres et la plaie des études. Il existe aux archives un grand nombre de ces cahiers ; quand on les a lus, on comprend mieux le peu de succès de certains cours. C’est sans chaleur, sans mouvement et sans vie ; cela se traîne péniblement à travers beaucoup de longueurs et de redites ; enfin, et, par-dessus tout, c’est ennuyeux, de

  1. Décret du 7 ventôse an III.