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troupeaux pour fuir et conduire son bétail en Autriche. Il abandonne tout, réunit quelques compagnons et s’élance dans la montagne, où se trouvent déjà d’autres fuyards d’une valeur égale à la sienne, C’était tout ce qu’il lui fallait pour commencer la résistance, car aussitôt, d’après ses ordres, partent des émissaires dans toutes les directions, « Allez proclamer dans les villages, leur dit-il, que tout homme capable de tenir un fusil doit se hâter de venir à nous, Emmené les femmes, les vieillards, les enfans. Si quelqu’un s’y refuse, qu’on l’entraîne ! »

Et, en quelques jours, la Serbie entière s’est levée. Faux et fusils à la main, popes, paysans, haïdouks, veulent être libres ou périr. C’est la revanche de Kossovo, la revanche tant désirée qui s’apprête. Quant à l’Europe, elle ne donne aucune attention à ce soulèvement d’un petit peuple contre un des plus grands empires, car le nom de Napoléon la remplit de terreur en ce moment : Anglais, Russes, Allemands ont bien d’autres soucis en tête.

La lutte dura dix ans : de 1804 à 1814. Pendant que Kara-George mettait le siège devant Belgrade, deux autres patriotes serbes, Nenadovitch dans la Koloutara et Milenko dans la Morava, attaquaient les forteresses de Schabatz et Poschaveratz. Toutes les deux se rendirent bientôt, et Schabatz la première, grâce au dévoûment héroïque des haïdouks chargés de défendre le couvent de Tschokchina. Comme les Spartiates aux Thermopyles, ces braves gens se firent tuer jusqu’au dernier afin de laisser le temps à leurs compagnons d’entrer dans Schabatz. À la bataille de Mischar, trente mille Bosniaques, des Serbes, hélas ! de la vieille Serbie, furent taillés en pièces par les révoltés. La fleur de la Bosnie y tomba fauchée. Le 12 décembre 1806, Belgrade est au pouvoir de Kara-George. Enfin, en juin 1807, après un siège de quelques semaines, le même Kara s’emparait d’Uschitzé, la ville la plus importante de la province après Belgrade. Là, pour la première fois, il est fait mention d’un jeune Serbe, un ancien pâtre aussi, qui, après Kara-George, devint le véritable libérateur de la Serbie. Nous voulons parler de Milosch, fils d’Obren, le fondateur de la dynastie princière et bientôt royale, nous assure-t-on, qui règne encore aujourd’hui sur la principauté serbe.

De 1809 à 1810, la plus grande partie du territoire asservi depuis Kossovo fut enlevé aux Osmanlis. La Serbie de Kara-George s’agrandit même. Elle prit la Kraïna au distinct de Widdin, Alexinatz et la Bania au pachalick de Nisch, Parakyne et Kroujevatz au district de Leskovatz, le monastère de Studenitza à la contrée de Novibazar, et enfin, à la Bosnie, les districts de Jadar et Kadjeniza.

L’unité de la direction qui, jusqu’à présent, avait si bien