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mécontentement de son peuple, en s’enrichissant scandaleusement, Sa cruauté d’ailleurs égale sa cupidité, Ayant eu en son pouvoir des Bosniaques, c’est-à-dire des Serbes musulmans, révoltés contre le sultan Mahmoud, il les livra, sachant bien qu’aussitôt livrés ces infortunés allaient périr par le yatagan. Pour justifier une telle cruauté contre d’anciens Serbes, il allégua qu’ils avaient le tort de s’être faits mahométans.

On raconte que, lorsque le prince Milosch se remit aux mains de l’escorte qui devait le conduire de gré ou de force en Valachie, il dit au colonel anglais Hodges : « Ma chute, — toute proportion gardée, — n’est pas sans analogie avec celle de Napoléon. Comme le grand empereur, j’ai délivré mon pays par les armes, j’ai assuré son repos par des négociations ; on n’a plus besoin de moi, on me chasse. » Le prince Milosch avait raison. Une triple analogie existait entre ces deux despotes : une ambition sans bornes, un oubli d’origine, et un exil moins mérité qu’imposé par d’impérieuses circonstances.

Le sénat élut prince des Serbes le jeune Michel, second fils de Milosch ; le fils aîné, Milan, était décédé un mois après l’abdication de son père. Michel entra à Belgrade en 1840, mais bientôt le mécontentement général des Serbes, dû à une forte augmentation d’impôts et à la présence au pouvoir de ministres peu populaires, prépara et amena un nouveau changement. Le prince Michel dut abdiquer comme son père et céder la place, au mois de septembre 1842, à un compétiteur inattendu, Alexandre, fils de Kara-George, qui, au moment de son élection, se trouvait en Serbie au camp de Vratchar. Pendant seize ans, Alexandre dirigea honnêtement les affaires de son pays, opérant d’utiles réformes, mais n’ayant toutefois rien de la flamme et de la vigueur de son malheureux père, qu’il avait perdu à l’âge de sept ans.

Les Russes, qui pourtant avaient contribué au renversement de Milosch, avaient été très contrariés de l’élection d’Alexandre. Ils se plurent à blesser le sentiment national des Serbes en imposant au prince le renvoi de l’un des plus grands ministres de Serbie, M. Elias Garachanine. La principauté eut, à cette époque, à se défier non-seulement de la Russie, mais encore à ménager la Turquie, dont le fils de Kara était l’obligé, et à observer une conduite prudente vis-à-vis de l’Autriche, qu’elle avait soutenue dans la guerre que cette puissance avait faite aux Hongrois. Alexandre, ayant évité ces écueils avec assez d’habileté, se mit à donner au peuple serbe une série de lois qui lui firent grand honneur. En 1850, un code de procédure criminelle fut d’abord promulgué par ses soins, puis, en 1853, un code de procédure civile. D’autres lois qui datent du même temps