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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/935

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la direction de Topchidéré, le Versailles de Belgrade. Là se montrent des voies larges, plantées d’arbres sur les deux côtés, des palais, de belles constructions à l’européenne, des magasins où l’orfèvrerie d’Orient rivalise avec l’orfèvrerie d’Occident. Quelle métamorphose ! Lorsque M. Blanqui passa en 1841, à Belgrade, pour se rendre à Constantinople, chargé d’une mission philanthropique par M. Guizot, la pauvre capitale serbe, aux mains des Turcs alors, lui apparut sous un aspect des plus misérables. « Je ne fus pas frappé, écrit-il ? comme je m’y attendais, de son air de désolation et de sa solitude. J’avais fait connaissance en Afrique avec la barbarie musulmane, et je la reconnus à ses œuvres à Belgrade. Je retrouvai dans le faubourg de cette ville habitée par les Turcs, la même hideuse physionomie que j’avais observée déjà à Koleah, à Blidah et à Constantine. Les costumes de l’Orient ne m’apparaissent plus que comme la livrée de la misère et du fanatisme. Nous rencontrions à peine dans les rues quelques rares passans et quelles rues ! Ici des maisons en ruines ; plus loin, de vastes espaces découverts ; des boutiques sales et obscures ; des croisées sans vitres ; des habitans déguenillés : et pourtant, sous ces tristes dehors, il était facile de voir que nous n’étions pas encore tout à fait en Turquie. Plusieurs nouvelles maisons de construction moderne s’élèvent dans cette partie de la ville habitée par les chrétiens ; ces maisons diffèrent peu de celles de l’Allemagne. Quelques voitures consulaires, construites à Vienne, circulent dans les rues. Quelques casernes, un hôpital, une prison, bâtie sur le modèle des nôtres, annoncent la présence d’une civilisation naissante. Les femmes ne sont pas voilées. Beaucoup de Serbes ont adopté le costume européen[1]. »

C’est naturellement à Belgrade que réside le prince régnant. C’est aussi le siège du gouvernement, composé de ministres individuellement et collectivement responsables vis-à-vis de la nation, et d’une assemblée nationale, la skouptchina. En vertu de la constitution de 1869, cette assemblée se compose en partie de membres nommés par le prince, en partie de membres élus par le suffrage universel. Est éligible comme député tout électeur âgé de trente ans, à l’exception des fonctionnaires de l’état, des militaires de l’armée régulière, et des avocats. Les députés sont nommés pour trois ans. Une « grande assemblée nationale, » composée de députés élus par la nation en nombre quadruple de ceux qui sont élus pour la skouptchina, est convoquée extraordinairement, dans les cas prévus par la constitution. Un « conseil d’état » dont les membres sont à

  1. Voyage en Bulgarie ; Paris, 1843.