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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/947

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que sera la composition. Était-il, par exemple, urgent d’écrire l’Histoire de la miniature byzantine, et voire du Péplos d’Athéné Parthénos ? Il est certain que tout tient à tout, mais voilà bien des affaires ensemble. Quant au livre lui-même de M. Müntz, conçu d’après un plan que M. Müntz pouvait seul remplir, parce que, en général, les érudits sont assez étrangers aux questions d’art, mais les artistes, en revanche, plus étrangers encore aux questions d’érudition, il est digne du Raphaël que M. Müntz nous avait donné l’an dernier. Sous le nom de Précurseurs de la renaissance, M. Müntz a donc compris non-seulement les artistes, — Nicolas de Pise, Giotto, Brunellesco, Donatello, Ghiberti, Masaccio, fra Angelico, — mais aussi les archéologues, amateurs et collectionneurs du XIVe et du XVe siècles. Au fond, c’est une tentative, une tentative heureuse, que nous croyons qui doit aboutir, pour restituer à l’étude de l’antiquité, dans le grand mouvement de la renaissance, la part d’influence, et d’influence décisive, que certains admirateurs excessifs du moyen âge essaient depuis quelques années de lui disputer. Il ne serait rien sorti du moyen âge, en Italie, non plus qu’ailleurs, sans le contact revivifiant de l’antiquité, ou du moins il en serait sorti tout autre chose que ce que la civilisation moderne en a vu sortir ; et l’art florentin lui-même, comme le prouve élégamment M. Müntz, par une simple distinction d’époques, aurait chu dans le naturalisme.

On pourrait tirer par une autre voie les mêmes conclusions du livre bien connu de M. Charles Clément, Michel-Ange, Léonard de Vinci et Raphaël[1], que l’on vient aussi d’illustrer à son tour et qui n’est, en dépit de son apparence plus modeste, ni par la nature de l’illustration, ni par la valeur consacrée du texte, le dernier de ces livres que nous devions recommander. On nous passera même d’attribuer à cette réédition d’un beau livre sous un nouveau format plus d’importance qu’au premier abord elle ne semblerait avoir. C’est que depuis quelques années on s’efforce tout doucement de déplacer le centre de l’histoire de l’art italien. On n’a pas encore osé toucher à Michel-Ange ou à Léonard de Vinci, mais on a commencé de toucher à Raphaël. L’admiration ne se détourne pas encore précisément des maîtres, mais elle dévie vers les primitifs. Il y là certainement un danger auquel il est bon de parer un peu à l’avance, et c’est un service que nous rendra le livre de M. Ch. Clément s’il obtient, et nous l’espérons, ainsi transformé, le succès qu’il mérite aujourd’hui comme jadis.

Je ne sais si M. Charles Blanc n’est pas pour quelque chose dans la diffusion de ces idées barbares, mais peut-être que ce n’est pas le temps de le lui reprocher à l’occasion de sa Grammaire des arts décoratifs[2].

  1. Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël, par M. Charles Clément ; 1 vol. in-8o ; Hetzel.
  2. Grammaire des arts décoratifs, par M. Charles Blanc, 1 vol. in-8o ; Loones.