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d’omettre l’élégant volume de M. André Lemoyne. M. André Lemoyne est un poète et un paysagiste. Il se révèle à nous aujourd’hui comme romancier. Son Idylle normande[1], très richement illustrée par M. Duplais-Destouches, est une délicate nouvelle, pleine de détails charmans et de fines observations. On y retrouve tout le talent du poète ; peut-être pourrait-on reprocher au paysagiste d’y montrer trop souvent le bout de l’oreille. La partie descriptive y tient parfois une place trop importante, mais les personnages, se fondent si bien dans le paysage qu’ils forment avec lui un tout harmonieux. Ce livre, où le dessinateur a très habilement interprété la pensée de l’auteur, est sincèrement et spirituellement écrit. Il exhale un bon et sain parfum de nature, il est imprégné d’une émotion discrète, et, ce qui devient assez rare en ce temps de naturalisme à outrance, l’auteur a su s’y maintenir dans une région sereine où l’on respire un air pur et salubre comme celui de ces plages normandes qu’il décrit avec amour. Une autre idylle encore, — après la mer, les grandes bois, et la montagne après la plage, — ce pouvait être l’Histoire d’un forestier[2], de M. Prosper Chazel. Et, de fait, cela. d’abord en. avait la tournure ; des chasseurs d’insectes, des pêcheurs de truites ; mais, vers le milieu du volume, les Prussiens et Badois s’y sont mis et l’idylle s’est évanouie dans la fumée des batailles. Si d’ailleurs. nous n’adressons pas le volume aux mêmes lecteurs que l’Idylle normande, il ne laissera pas de trouver aussi son public.

Nous mettrons MM, Lemoyne et P. Chazel en bonne compagnie, et nous passerons de leurs romans aux romans de Walter Scott, dont la maison Didot poursuit depuis deux ans la réédition[3]. Quatre volumes ont déjà paru : Ivanhoé, Quentin Durward, Rob-Roy, Kenilworth. Il est de mode aujourd’hui non-seulement de déprécier, mais encore de traiter de haut en bas le grand romancier. Certainement, comme à tout le monde, il arrive à Walter Scott de sommeiller quelquefois. Mais cela n’empêche pas que de s’ennuyer trop à la lecture de Walter Scott, c’est signe de peu de goût et d’une grande pauvreté d’imagination. La traduction en cours est bonne, les illustrations du reste sont heureuses. En voilà plus qu’il n’en faut pour que nous ayons le courage de braver l’anathème et d’inviter le lecteur à se donner le plaisir non-seulement de relire l’Antiquaire et Rob-Roy, mais Quentin Durward lui-même et ce romantique Ivanhoé.

Il nous reste quelques mots à dire dés livres qui s’adressent plus

  1. Une Idylle normande, par M. André Lemoyne, illustrations de M. A. Duplais-Destouches, 1 vol. in-4o ; Charpentier.
  2. Histoire d’un forestier, par M. Prosper Chazel, 1 vol. in-8o ; Hennuyer.
  3. Walter Scott illustré, 4 volumes parus ; Firmin-Didot.