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Cependant, l’intérêt politique exigeait impérieusement que cette œuvre s’accomplît. On ne pouvait laisser Rome isolée au milieu de ce royaume dont on voulait qu’elle devînt la capitale effective ; on ne pouvait davantage s’exposer au mécontentement des provinces qui se plaignaient déjà que le nouveau gouvernement fût plus impuissant pour le bien que ceux qu’il avait remplacés. Il fallait donc résoudre cette question des chemins de fer avant de songer à aucune réforme financière. On commença par dresser un tableau d’ensemble de toutes les lignes dont la construction était nécessaire pour compléter le réseau national et donner à toutes les provinces une égale satisfaction. Il fut décidé que l’exécution de ce vaste programme, qui devait coûter près d’un milliard, serait répartie sur dix années. Les lignes furent divisées en deux classes, suivant leur degré d’importance; et il fut spécifié que, pour les lignes de la première catégorie, les provinces supporteraient un dixième des dépenses de construction et un cinquième pour celles de la seconde. L’empressement des provinces à voter ce concours financier et celui des villes à offrir des subventions devaient être des motifs déterminans pour fixer l’ordre dans lequel les lignes seraient entreprises. Quant à la part de dépense qui devait demeurer à la charge de l’état, bien qu’elle fût limitée au chiffre maximum de 60 millions par an, il était impossible de songer à y faire face avec les maigres excédens du budget; mais cette dépense ne pouvait pas non plus être assimilée aux autres charges budgétaires : elle n’était pas irrécouvrable. Elle avait, au contraire, pour résultat certain et même immédiat d’accroître le domaine public et de mettre aux mains de l’état une propriété qui, soit qu’il l’exploitât lui-même, soit qu’il en affermât l’exploitation, deviendrait une nouvelle source de revenu. Le capital consacré aux chemins de fer recevrait donc tôt ou tard sa rémunération : il tenait donc de la nature d’un placement plutôt que d’une dépense. Pourquoi l’état ne suivrait-il point l’exemple des particuliers qui empruntent pour améliorer leur domaine et comptent sur l’augmentation de leur revenu pour l’amortissement de leurs emprunts? N’était-il pas juste, d’ailleurs, de faire participer l’avenir à des sacrifices dont il recueillerait le profit tout entier? La construction des nouvelles voies ferrées a donc été classée au premier rang des dépenses extraordinaires, et il y est pourvu, chaque année, par rémission de rentes 5 pour 100 jusqu’à concurrence du capital nécessaire : il est pourvu aux autres travaux d’utilité publique, classés comme travaux extraordinaires, par l’émission d’obligations à terme, gagées sur les biens ecclésiastiques et remboursables sur le produit de la vente de ces biens. On ne peut évaluer à moins de 80 ou 90 millions le capital annuellement employé à ces travaux