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REVUE MUSICALE

Nombre de gens ont dû, comme nous, se demander, lors de la formation du nouveau cabinet, ce que venait faire là ce ministère des arts et si l’heure était bien choisie, quand les capacités manquent, de grandir l’importance des fonctions ? Évidemment le sens des proportions nous échappe. « Pour mettre un terme à la paperasserie d’une bureaucratie oiseuse, a dit M. Gambetta, il n’y a qu’un moyen, la spécialisation des services. » C’est parler d’or : spécialisez tant que vous voudrez, à la condition de mettre des hommes compétens à la tête des services. Le nouveau secrétaire d’état est-il un de ces hommes ? M. Antonin Proust aime la musique, l’Opéra et le Conservatoire, comme son prédécesseur, M. Turquet, autre riche amateur, goûtait la peinture et se plaisait à visiter les ateliers. C’est encore un mécène, et Dieu nous garde de voir ainsi reparaître les abus de l’ancien régime « dans une démocratie maîtresse de ses destinées ! « Il accordera des distinctions honorifiques aux comédiens, il introduira des réformes au Conservatoire, et se propose de marier définitivement la Comédie-Française avec l’Odéon. Voilà du moins ce que nous ont enseigné jusqu’ici ses harangues à ses administrés et ses allocutions. Comme tous les dilettantes, M. Proust a le cœur pavé de bonnes intentions ; il veut « se rendre compte par lui-même ; » c’est le calife de Bagdad de la comédie. S’agit-il d’une vente de tableaux, il y court, et s’il n’achète pas tous les Rembrandt, c’est qu’il a vidé son escarcelle sur Courbet ; affiche-t-on à Bruxelles un drame lyrique dont l’Opéra ne s’est pas accommodé, il prend le train des journalistes et s’en va le plus naïvement du monde compromettre le pouvoir, dans des protestations de coterie. Libre à M. Massenet de transporter son Hèrodiade dans une capitale étrangère pour la faire ensuite revenir chez nous à plus grand tapage : l’aventure du Roi de Lahore à Milan lui avait trop bien réussi pour qu’il n’essayât pas de la recommencer. Libre à la presse de partir en masse et de nous envoyer ses jugemens par télégrammes ;