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international contemporain n’a pas encore, en cette matière, trouvé sa formule. Où s’arrêtent les droits de l’occupant? Ils sont limités, dit-on, par les nécessités de la guerre. Mais cette réponse même est vague et laisse trop de prise aux abus de la force. Il faudrait, à vrai dire, pour déterminer d’avance toutes les attributions des uns, toutes les obligations des autres, rédiger un manuel de casuistique internationale, qu’on attendra longtemps encore.

Il n’est pas plus aisé de résoudre avec une précision scientifique la question des représailles en temps de guerre. Cependant les Instructions américaines ne sont pas, sur ce point, au niveau de la science contemporaine. Il ne faut pas dire que les lois « actuelles » de la guerre ne peuvent pas empêcher les représailles, quand il est démontré que les lois fondamentales et nécessaires de la guerre ne sauraient les empêcher. Comment, en effet, l’état lésé par les violences d’un belligérant n’aurait-il pas le droit de recourir à des moyens spéciaux pour en obtenir la réparation ou pour en prévenir le retour? D’autre part, il ne suffit pas de proscrire les représailles « injustes et inconsidérées, » ni même d’ordonner que toutes les représailles seront désormais précédées d’une enquête. La science moderne du droit international demande quelque chose de plus. Tout en reconnaissant qu’une idée de réciprocité domine ces nouveaux rapports et que la rétorsion s’adapte naturellement à l’injure, elle défend de pousser la loi du talion à ses dernières conséquences. Pendant la guerre de l’indépendance américaine, le capitaine anglais Lippencott ayant fait pendre un officier des États-Unis, le général Washington fit, de son côté, traduire devant un conseil de guerre et condamner à mort un officier anglais, qui ne fut sauvé que par l’intervention de Marie-Antoinette. Il est admis aujourd’hui qu’un meurtre commis par un belligérant ne confère pas à l’état lésé le moindre droit sur la vie d’ennemis innocens, et je ne crois pas qu’on s’écarte désormais de ce principe dans les guerres européennes. Il serait plus difficile de persuader à un peuple civilisé qui fait la guerre à une peuplade barbare de ne pas venger l’assassinat ou la mutilation de ses nationaux par la mort des sujets ennemis sur lesquels il pourrait mettre la main. Tel est pourtant l’idéal d’humanité, de charité, de justice auquel doivent aspirer les sociétés modernes : pour mieux dire, telle est la loi. Ce peuple peut assurément châtier sans merci les coupables et même appliquer à de tels ennemis le droit de la guerre dans toute sa rigueur, mais non lutter avec eux, hors du champ de bataille, de férocité sauvage et de barbarie. Quand on fit le sac d’un grand palais chinois, en 1860, ce fut en représailles du cruel traitement infligé aux Européens qu’un guet-apens avait fait tomber au pouvoir des mandarins; mais la conduite de ces mandarins, qui n’eût pas permis de