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qui devait concourir aux opérations de la marine militaire, quoique exclusivement composée de navires privés dont la propriété n’était pas transférée à l’état. N’était-ce pas reconstituer la course? Les avocats de la couronne d’Angleterre, consultés sur cette grave question, la résolurent négativement parce que les navires de la seewehr volontaire étaient placés sous les ordres et soumis à la discipline de la marine militaire. Ce qui nous semble plus décisif, c’est que la marine auxiliaire était destinée à l’attaque et à la destruction non des navires marchands, mais des vaisseaux de guerre. La pente est assurément glissante, et Calvo suppose que les bâtimens ainsi frétés eussent fini par s’attaquer à notre marine marchande. Mais ce n’est qu’une supposition, et l’on n’eût, au demeurant, violé la déclaration de 1856 qu’en violant la loi même de la nouvelle institution. On a de même, il y a peu d’années, ouvert une souscription à Moscou pour l’équipement d’une u flotte volontaire; » un lord de l’amirauté a déclaré, le 6 mars 1880, au Royal united Service Institution que tout est prêt dans les arsenaux de la Grande-Bretagne pour convertir trente ou quarante vapeurs de commerce en bâtimens de guerre ; enfin la loi française du 29 janvier 1881 ne se contente pas d’autoriser l’état à réquisitionner, en cas de guerre, tous les navires marchands, elle organise un système de surprimes à la navigation pour les vapeurs construits sur des plans approuvés par le département de la marine et pouvant dès lors être utilisés pendant les hostilités. Est-ce que ces puissances se sont donné le mot pour rétracter hypocritement leur déclaration de 1856? Non sans doute, et les publicistes auraient tort de leur laisser croire qu’ils les ont crues capables de cette félonie internationale. Chaque état peut, sans rétablir la course, emprunter à la marine marchande de nouveaux instrumens de combat pour une guerre régulière faite de peuple à peuple. Il aura sous la main sans doute quelques navires qu’on eût jadis regardés comme d’excellens engins de guerre privée; cela ne veut pas dire que, manquant aux engagemens pris à la face du monde, il va recommencer la guerre privée.

Dans l’origine, les blocus étaient purement fictifs. Un belligérant déclarait mettre en état de blocus un port, une côte, une contrée tout entière sans se soucier d’avoir sur les lieux des forces suffisantes pour intercepter le passage normal des navires marchands ; il lui suffisait de notifier aux neutres son intention de leur interdire tout commerce avec le lieu bloqué. Par exemple, vers 1346, Edouard III, en guerre avec la France, ordonnait que « tout vaisseau étranger qui tenterait d’entrer dans un port français serait pris et brûlé; » en 1652, la Hollande déclarait bloqués tous les ports, non-seulement de la Grande-Bretagne, mais des possessions anglaises dans toutes les parties du monde, etc. C’est seulement dans les dernières