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attend un vaisseau armé qui devra le porter à la baie des Iles avec une force suffisante pour assurer le respect de ses droits et de son autorité. M. James Busby affecte d’avoir trop confiance en ses compatriotes pour avoir besoin de les prémunir contre une semblable audace. Néanmoins, le résident britannique, dans son trouble, s’était efforcé d’éloigner le danger par un coup de théâtre; la population anglaise demeurait très alarmée[1]. Quelques mois plus tard, une pétition revêtue d’environ cent quatre-vingts signatures était envoyée au roi Guillaume IV en vue d’obtenir la protection du gouvernement britannique. Dans cette pièce, on parle tout d’abord de l’usurpation dont la Nouvelle-Zélande est menacée par le terrible baron de Thierry ; on se plaint ensuite de l’état du pays livré au désordre, où pourtant les intérêts des sujets du roi d’Angleterre grandissent avec une extrême rapidité, car dernièrement on vit à la fois trente-six navires à l’ancre dans la baie des lies.

Après d’interminables péripéties, le baron était parvenu à se rendre à Sidney. De cette ville, à la date du 20 septembre 1837, il adresse une proclamation aux Européens établis à la Nouvelle-Zélande. Pour la défense de ses droits, il fait appel aux parens de Hongi, à son estimable ami Waïkato, à la famille de M. Kendall[2], aux missionnaires MM. Williams et F. Hall. Il ajoute que, le 17 août 1832, le titre de sa propriété sur la Hokianga fut transmis en Angleterre et copie envoyée à Londres au Foreign Office, à Paris au ministère des affaires étrangères. Le document se termine par le projet d’un colonisation où tout se passera suivant la justice. Au pressant appel personne ne répondit. M. de Thierry avait enrôlé des cultivateurs et des ouvriers ; les uns disent une soixantaine, les autres davantage. Avec ce monde, il arrive sur le domaine contesté, apportant quantité de papier tout prêt pour les manifestations, où se lit en grosses lettres : « Charles, par la grâce de Dieu, souverain de la Nouvelle-Zélande, » et se montrant mal pourvu des objets nécessaires à une première installation. Les Maoris, obéissant aux suggestions des Anglais, refusent de reconnaître son titre à la possession du sol, appuyant ce refus sur la faute de M. Kendall de n’avoir pas satisfait à la condition imposée. Malgré les avanies de chaque jour, le baron de Thierry reste à Hokianga. Il n’a pas d’argent, il manque de provisions. Dès le commencement de l’année 1838, ses agens et les ouvriers amenés à ses frais l’abandonnaient pour aller chercher l’indépendance et devenir propriétaires eux-mêmes, ou pour se procurer des emplois lucratifs. Il voit sa ruine consommée, ses espérances évanouies, et plus il descend les degrés de la misère, plus

  1. Much alarmed : Ainsi s’exprime l’auteur d’articles publics à la Nouvelle-Zélande. (Saturday New-Zealand Advertiser.)
  2. M. Kendall était mort.