Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la disposition des terres et pour exiger à l’égard de tous les titres la sanction du gouvernement soulèvent de violentes colères; les réclamations et les récriminations demeurèrent sans fin. Tandis que les missionnaires et les agens du Colonial Office parlent sans cesse de protéger des Maoris, on rappelle parmi les colons que la compagnie de la Nouvelle-Zélande a fondé au milieu des déserts quatre grands centres d’habitation ; on juge qu’il est indigne de la tracasser après d’aussi brillans débuts[1]. Le capitaine Hobson mourut à la fin de l’année 1842; il n’emporta point de vifs regrets. Le secrétaire colonial, M. Shortland, dut prendre la direction des affaires; il ne gagna point l’amour des populations de Wellington ou de Nelson. Le capitaine Robert Fitzroy, investi de la confiance du ministre des colonies, lord Stanley, vint à Auckland, dans les derniers jours de l’année 1843, occuper le poste de gouverneur; il ne réussit à satisfaire personne dans la colonie.

Les Maoris, qui tout d’abord avaient témoigné aux Européens des sentimens de parfaite cordialité, ne tardèrent point à s’irriter contre eux à raison d’exigences toujours croissantes, de stupides vexations, d’actes de brutalité. Encouragés par les hommes, missionnaires ou autres, qui se déclaraient leurs protecteurs, amenés aussi par l’expérience à comprendre que pour des bagatelles on les dépouillait des biens les plus solides, ils se mirent à contester certaines cessions de territoires, à nier des conventions qu’ils avaient acceptées, à suivre avec une sorte de rage les opérations des arpenteurs.

Au mois de mai 1843, s’accomplissait près de Nelson, dans la vallée de la Waïrau, un événement sinistre. Des membres de la cour des affaires territoriales venaient d’arriver; le cruel Rauparaha, jusqu’alors en bonnes relations avec les hommes blancs, crut l’occasion favorable pour obtenir un nouveau paiement du domaine qu’il vendit autrefois à la compagnie de Wellington. Le vieux chef se targuait de la possession de la Waïrau, ayant exterminé plusieurs années auparavant une petite tribu paisible qui l’occupait. Il avait continué à vivre sur l’autre île, à Waïkanœ, près de la mission chrétienne. Le colonel Wakefield affirme qu’au moment où il achetait la vallée, on n’y voyait aucun habitant. Rauparaha, suivi d’une bande armée, traverse le détroit dans ses pirogues et, apercevant au milieu de la plaine les ingénieurs et les employés du cadastre à l’ouvrage, il les chasse et brûle leurs tentes. Les magistrats de Nelson veulent saisir le coupable, et, croyant l’opération facile, ils sur- viennent, accompagnés du capitaine Arthur Wakefield, frère du principal agent de la compagnie de la Nouvelle-Zélande, et d’une milice

  1. Les quatre centres étaient Wellington, Wanganui, dépendance de Wellington situé sur la côte orientale de l’ile du Nord, New-Plymouth et Nelson.