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200 francs par tête, et elle est de 140 francs avec l’or seul. En Norvège, d’après M. Broch, on se contenterait de 37 francs seulement par individu. Nous avons donc en France plus de numéraire qu’il ne nous en faut, et ce que l’on doit désirer comme progrès, c’est qu’on perfectionne assez les moyens de crédit pour nous permettre de nous débarrasser sans inconvénient d’une partie de ce numéraire. Avec 3 milliards d’or, comme monnaie principale, et 1 milliard 1/2 d’argent, comme monnaie secondaire, nous aurions largement ce qui nous serait nécessaire. C’est un luxe bien coûteux de garder ainsi 3 ou 4 milliards de métaux précieux dont nous n’avons pas absolument besoin. On gagnerait à les vendre et à les remplacer par des marchandises plus utiles. Nous aiderions de plus par cette vente à la solution du problème monétaire, si tant est qu’on craigne de manquer d’or. Le ralentissement de la production de ce métal, qu’on nous signale comme un danger, deviendrait alors plutôt un bienfait, car, les besoins étant aujourd’hui moins grands qu’après la découverte des mines de la Californie et de l’Australie, l’offre s’équilibrerait mieux avec la demande, et les prix conserveraient plus de fixité. En définitive, si la dépréciation des métaux précieux conduit au progrès, c’est sur une route semée de douleurs et de sacrifices. Ce même progrès n’est pas incompatible avec la fixité des prix, et celui-là au moins n’engendre pas de souffrances, il s’opère à la satisfaction de tout le monde, sans trouble et sans secousse.


II.

Maintenant la conférence se réunira-t-elle encore au mois d’avril prochain, comme elle en a formé le projet, et les diplomates auxquels elle a remis ses pouvoirs lui apporteront-ils une solution toute préparée? Cela est fort douteux, et nous ne croyons pas être téméraire en disant que ni l’Angleterre, ni l’Allemagne, ni même l’union latine ne donneront un blanc-seing pour le libre monnayage de l’argent. Restera la proposition subsidiaire de remplacer par des monnaies divisionnaires d’argent toutes les coupures au-dessous de 20 francs qui existent soit en papier, soit en or. Si on adoptait cette mesure, il faudrait encore veiller à ce que la monnaie, même divisionnaire, d’argent fût limitée, car, trop abondante, elle pourrait prendre une place plus grande qu’il ne convient dans la circulation et exercer une influence fâcheuse sur les prix. Mais les Anglais consentiront-ils à se séparer de leur demi-livre sterling, les Allemands de leur couronne, et nous-mêmes, abandonnerons-nous notre pièce de 10 francs? Cette pièce s’use plus vite, il est vrai, que celle de 20 francs, mais elle est bien commode et répond à bien des besoins dans nos transactions intérieures. Il ne faut pas perdre de