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valeur de cette découverte. Dans d’autres occasions, on le verra, ces rapprochemens de photographies, et surtout de moulages, permettent de constater des emprunts et même des copies formelles dans des œuvres jusque-là considérées comme originales. On arrive ainsi, peu à peu, dans l’appréciation des ouvrages que nous a laissés l’antiquité, à une sorte de triage et de classement qui rectifie sur plus d’un point des opinions consacrées.

Les dispositions adoptées dans l’arrangement du musée des moulages de Berlin ont été combinées d’une manière si intelligente qu’il n’est pas de visiteur, si peu cultivé qu’on le suppose, qui ne puisse y trouver des enseignemens positifs. Sans qu’il en ait conscience, son attention est tenue en éveil, et il est en quelque sorte sollicité à s’instruire. Muni du guide publié par les soins de la direction, il peut, à son gré, suivre dans ses grandes lignes l’histoire générale de l’art, ou bien trouver facilement la période sur laquelle il désire porter ses observations. Des promenades d’écoliers, organisées dans ces conditions, sous la conduite de leurs maîtres, fournissent à la fois une diversion agréable et un complément d’informations précises pour leurs études historiques ou littéraires. L’artiste et l’archéologue trouvent encore un bénéfice plus grand à un classement qui leur permet de se renseigner aussi aisément sur le style d’une époque, sur le caractère d’un personnage et sur les modes divers usités pour sa représentation.

Ces analogies, ces rapprochemens, cette succession logique des grandes périodes du développement de la sculpture, un musée des moulages les révèle clairement. Mais pour avoir toute son utilité, il faut que, comme à Berlin, il soit classé avec méthode et suivant l’ordre chronologique. Ce classement, en effet, appelle lui-même la discussion ; il soulève des questions, non pas vagues et sans issue, mais précises, puisqu’elles sont provoquées par des documens positifs, et offrant un but pratique, puisque l’ordre établi peut toujours être soumis à des vérifications et modifié suivant les progrès de la critique. Avec un classement ainsi entendu, les ouvrages récemment découverts viennent prendre leur place naturelle dans la série à laquelle ils appartiennent. Ils y comblent des lacunes, ils apportent la solution de problèmes déjà posés et, le plus souvent aussi, ils en posent de nouveaux. L’histoire de l’art et l’esthétique, tirant un égal profit de ces débats et de ces découvertes, deviennent une étude vivante ou progressive. Elles ne restent plus limitées à ces divagations stériles, ni à ces abstractions spécieuses qui naissent de l’ignorance ou du moins d’une connaissance incomplète. En présence de la longue succession et de l’admirable variété des chefs-d’œuvre de tous les temps et de tous les pays, si la pensée s’élève, si l’esprit échauffé est poussé, comme par un mouvement naturel.