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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/667

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tire ma sonnette et bientôt je vois entrer dans mon cabinet un monsieur de noir tout habillé qui me salue très poliment, ferme la porte, s’approche et me dit presque à l’oreille : « Est-ce bien à M. le docteur Ménière que j’ai l’honneur de parler? — Oui, monsieur. — A M. le docteur Ménière arrivé de Blaye tout récemment? — Oui, monsieur. — Je suis chargé, monsieur, de vous inviter à venir au palais des Tuileries aujourd’hui même, à dix heures. Sa majesté désirant vous entretenir, vous vous présenterez, s’il vous plaît, au cabinet du roi. »

Le même personnage m’a remis un pli contenant une invitation signée par l’aide de camp de service. J’ai répondu que je m’empresserais de me rendre aux ordres de sa majesté, et le monsieur a disparu tout aussi discrètement qu’il était entré.

Je n’avais pas de temps à perdre. Je me hâtai de me préparer pour cette entrevue solennelle, et, à dix heures précises, un huissier m’annonçait chez le roi en même temps que M. le docteur P. Auvity, qui me servait en quelque sorte de parrain chez sa majesté, comme M. Orfila m’avait servi de patron chez M. le président du conseil des ministres...

Le roi, en frac noir, était assis près d’une table au fond de son cabinet. Je le vis se lever et venir à nous avec une sorte d’empressement. Il dit : « Bonjour, docteur (à M. Auvity), » et à moi : « Bonjour, monsieur Ménière. Je suis bien aise de vous voir. J’ai à vous parler de bien des choses. Asseyons-nous, messieurs. »

En disant cela, le roi s’est assis sur un grand canapé, près de la fenêtre qui donne sur le jardin des Tuileries. Il m’a fait signe de m’asseoir près de lui, et, comme j’hésitais par respect, sa majesté m’a dit de nouveau :

— Asseyez-vous, je vous prie, nous causerons plus facilement. M. Auvity s’est emparé d’une chaise, et, ainsi placés tous trois en triangle, le roi s’est exprimé ainsi :

— Je vous remercie, monsieur le docteur, de la manière dont vous avez rempli la mission délicate qui vous avait été confiée auprès de Mme la duchesse de Berry. Je sais que ma nièce a eu beaucoup à se louer de vos soins, que vous avez contribué très activement à lui rendre une partie du calme dont elle a tant besoin dans sa position. Continuez d’agir comme vous l’avez fait, la reine et moi nous vous en serons bien reconnaissans.

Vous voyez la princesse tous les jours, souvent même plusieurs fois par jour et, dans ces longues entrevues, vous avez de fréquentes occasions de l’entendre se plaindre de moi.

Je ne pus retenir un geste, qui semblait une protestation contre ces paroles, et le roi poursuivit :

— Oh! cela est tout simple : elle attribue au gouvernement et