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der en nommant une commission, la commission des trente-trois, où il n’y avait qu’un seul membre disposé à soutenir le gouvernement ; les autres étaient des adversaires plus ou moins prononcés, plus ou moins vifs, radicaux, républicains dissidens ou modérés, tous également décidés à résister ou, dans tous les cas, à faire leurs conditions. Dès lors la guerre était déclarée, les hostilités commençaient. Que voulait réellement cette commission des trente-trois, élue pour représenter la mauvaise humeur et les susceptibilités de la chambre ? Il serait difficile de le dire avec quelque précision, elle ne le savait peut-être pas bien elle-même ; elle voulait avant tout visiblement faire acte d’opposition et d’indépendance vis-à-vis d’un pouvoir qui avait réveillé tous ses ombrages. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on ne s’entendait plus et que, de part et d’autre, on ne semblait guère disposé à s’entendre. Le gouvernement proposait la revision limitée ; la commission pour satisfaire tout le monde, radicaux et modérés, trouvait le moyen de proposer la revision à la fois limitée et illimitée. Elle mettait une apparence de limitation dans les considérans de ses résolutions, en même temps qu’elle reconnaissait le droit souverain et indéfini du congres ; en d’autres termes, elle voulait et elle ne voulait pas, elle livrait tout à l’aventure. — Le chef du cabinet proposait énergiquement, résolument, l’inscription du scrutin de liste dans la constitution : pour cela, la commission n’en vouhiit à aucun prix ; elle ne voyait dans cette proposition que la menace indirecte et perlide d’une dissolution prochaine et, par une inconséquence bizarre, cette commission qui reconnaissait au congres le droit de tout faire, même apparemment de supprimer le sénat ou la présidence de la république s’il le jugeait bon, refusait de lui soumettre le scrutin de liste. La commission des trente-trois, comme le gouvernement, avait ses « chinoiseries. » En réalité, le conflit était partout, dans les résolutions, dans les tactiques, dans les passions mises en présence.

Vainement on a eu recours à quelques-unes de ces explications ou de ces négociations par lesquelles on échappe le plus souvent aux scissions violentes : le président du conseil a reçu des visites, il a été appelé à s’expliquer devant la commission sur la portée de ses projets. Visites, explications et négociations n’ont eu d’autre résultat que de mettre plus vivement en lumière les incompatibilités, les résolutions altières, impérieuses du chef du cabinet du 14 novembre, et les répugnances de la commission. On s’est vu, on s’est expliqué pour finir par constater qu’il n’y avait pas de transaction possible, et pendant les quelques jours d’existence de cette commission des trente-trois, il y a eu même des épisodes, des dialogues véritablement curieux. — Que prétendez-vous, a-t-on dit à M. Gambeita, avec votre revision limitée ? Qu’arrivera-t-il si le congrès ne tient aucun compte de vos pro-