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il résulte qu’il s’agit là de coupes d’arbres et des essences réservées à la flotte. Certainement, sans la découverte de la leçon complète, on n’eût jamais soupçonné une chose aussi particulière.

Nous inclinons donc à croire que les quatre lettres QHLT ne formèrent pas à l’origine un mot véritable. Mais, le mot une fois formé, l’auteur l’a considéré comme une désignation substantive, puisque, dans deux cas[1], le groupe QHLT est précédé de l’article. La poésie parabolique aimait ces énigmes. Les deux petits poèmes moraux intercalés dans le livre des Proverbes (ch. XXX et XXXI) commencent également par des noms propres qui sont restés, jusqu’à présent, des logogriphes indéchiffrés.


II.

L’Ecclésiaste passait autrefois pour le livre le plus obscur de la Bible. C’est là une opinion de théologiens, tout à fait fausse en réalité. Le livre, dans son ensemble, est très clair; seulement les théologiens avaient un intérêt majeur à le trouver obscur. Une foule de passages nous embarrassent, parce que le texte est corrompu et que la langue forme, dans l’ensemble de la littérature hébraïque, une sorte d’îlot à part. Mais ces difficultés atteignent seulement les accessoires et les digressions dont souvent on ne voit pas le lien avec le sujet principal. Joignons-y des allusions à des événemens politiques et à des sectes religieuses que nous ne connaissons pas. Quant à la philosophie générale de l’ouvrage, elle est très simple. L’auteur revient sur sa pensée avec une insistance qui peut sembler fastidieuse, mais qui ne laisse rien à désirer sous le rapport de la netteté.

« Tout est vanité. » Tel est le résumé, vingt fois répété, de l’ouvrage. Le livre se compose d’une série de petits paragraphes, dont chacun contient une observation, une façon d’envisager la vie humaine, dont la conclusion est l’universelle frivolité. Cette conclusion, l’auteur la tire des expériences les plus diverses. Il s’y complaît; il en fait le rythme et le refrain de sa pensée. Le monde présente à ses yeux une série de phénomènes toujours les mêmes et roulant les uns après les autres dans une sorte de cercle. Nul progrès. Le passé a ressemblé au présent; le présent ressemble à ce que sera l’avenir. Le présent est mauvais, le passé ne valait pas mieux, l’avenir ne sera pas préférable. Toute tentative pour améliorer les choses humaines est chimérique, l’homme étant incurablement borné dans ses facultés et sa destinée. L’abus est éternel; le mal qu’on avait

  1. VII, 27; XII, 8.