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duré à peine une demi-heure. Formons des maîtres comme celui-là. Mettons dans leurs mains des livres où ils trouvent, simplement exposés, les principaux faits de l’histoire de la civilisation. Ne deviendront-ils pas capables d’enseigner aux enfans l’histoire de la France ?

Oui certes, cette histoire peut être enseignée. On peut tirer de Grégoire de Tours mille traits pour peindre le roi mérovingien. On peut, après avoir exposé le désordre où tombe la Gaule franque, à l’époque de la décadence carolingienne, montrer comment se sont formés ces groupes qui subissent ou choisissent un maître tout près d’eux et se taillent des patries de quelques lieues carrées, dans la grande qu’ils ne connaissent plus; introduire dans ce chaos le roi capétien à son début; dire comme il vivait; le conduire de château en château, de monastère en monastère ; décrire sa cour primitive, son conseil, les cérémonies et les fêtes, dire l’idée qu’il avait et celle qu’il donnait de lui; opposer au roi ses grands vassaux, à sa cour celle d’un Robert de Normandie, d’un Eudes de Champagne, d’un Raymond de Toulouse, d’un Guillaume d’Aquitaine; entourer ceux-ci de leurs vassaux ; redresser le relief de l’ancienne France; retrouver au-dessous des maîtres du monde la masse de ceux qui peinent, la cabane du paysan ou l’atelier de l’artisan; raconter leur vie que nous connaissons, leurs misères, leurs plaisirs et la grande lutte pour la liberté; suivre le progrès sans trêve, dans la mauvaise comme dans la bonne fortune, du pouvoir royal; faire saisir les modes de ce progrès; dire comment le roi devint le juge de tous, après que Philippe Auguste eut jugé Jean sans Terre, saint Louis cassé en appel un jugement de son frère le comte d’Anjou ; Philippe IV et Charles V confisqué l’Aquitaine par arrêt; Charles VII.

Louis XI frappé les brigands et châtié les rebelles; comment le roi devint le maître d’une armée à lui appartenant, quand il jugea insuffisant le service de cette armée féodale où le devoir de chacun des vassaux était réglé par un contrat particulier, car nombre d’entre eux devaient au roi leur suzerain un jour de service, et encore dans les limites mêmes de leurs fiefs, de façon qu’ils pussent rentrer à la nuit tombante et coucher dans leur lit; ce que fut au début l’armée royale où des chevaliers déclassés se rencontraient avec des soldats d’aventure, brigands comme eux, continuant, après la paix faite, le métier de la guerre contre le paysan, le bourgeois ou le prêtre; pourquoi il fallut tirer de ces bandes un corps d’élite, que l’on disciplina et qui devint l’armée permanente; comment le roi, obligé de payer ses soldats et ses serviteurs, devenus plus nombreux à mesure qu’il devenait plus puissant, ajouta les finances publiques à ses revenus de propriétaire et ouvrit à ses collecteurs les