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admire son élan, la grâce avec laquelle sa silhouette se découpe, et dans le jet de ce corps jeune et chaste, on sent quelque chose des timidités et des audaces d’un art qui grandit encore et qui, cherchant avant tout à dire ce qu’il veut, ose le dire ingénument, sans affecter une vaine habileté.

Une autre statue, trouvée également à Olympie, quoique n’étant point signée, justifie amplement une attribution glorieuse qui, d’ailleurs, repose aussi sur le témoignage formel de Pausanias. Celui-ci dit, en effet, en propres termes : « Parmi les statues consacrées dans le temple d’Héra, il y a un Hermès de marbre portant le petit Bacchus; c’est un ouvrage de Praxitèle. » A la place même où Pausanias l’avait vu, l’Hermès fut découvert le 8 mai 1877, et les années suivantes, les fouilles, continuées avec intelligence, amenèrent la possession d’importans fragmens détachés de la statue. A pari le bras droit et le bas des jambes, cette statue est aujourd’hui complète. Sur son bras gauche appuyé contre un tronc d’arbre, le dieu supporte le jeune enfant, qui paraît vouloir s’élancer vers un objet, — probablement une grappe de raisin, — que l’Hermès tenait élevé en l’air dans son autre main. Les dimensions de ce petit Bacchus paraissent, il est vrai, un peu trop petites, et son exécution assez faible n’a pas grand caractère. En revanche, le personnage principal, l’Hermès, est une merveille de grâce et d’élégance. Son type répond à celui de l’éphèbe grec. La tête, petite, coiffée de cheveux courts et bouclés, — heureusement elle est intacte, — se dégage des épaules avec une noble aisance et le corps montre une pureté de formes et une harmonie de proportions exquises. La pose a tant de naturel, l’équilibre en est d’une pondération si parfaite que, même dans l’abandon de ses membres, on sent la force d’action dont ils seraient capables. Une draperie, qui retombe en plis nombreux, contribue encore, par un habile contraste, à faire ressortir le travail du nu, et, grâce à la délicatesse et à l’effacement du modelé, le regard est naturellement reporté vers le contour extérieur. Il aime à en suivre les molles inflexions, à en caresser les sinuosités, et il a peine à se détacher de ce charmant visage où respire si bien la joie de vivre et la confiante sécurité d’une jeunesse épanouie.

Adoptant le canon de Lysippe, Praxitèle a cherché, par la diminution du volume de la tête et la sveltesse des formes, à donner à cette figure de l’Hermès le cachet d’élégance qui caractérise son talent. Sans atteindre dans l’ensemble de son œuvre la noblesse et la majesté qui se voient chez Phidias, il a surtout visé la grâce. Mais du moins il évite l’afféterie maladive et le maniérisme dont ses successeurs n’ont pas su se préserver. Par la science des constructions aussi bien que par la perfection du travail, Praxitèle se rattache