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et la véhémence de leurs allures. Il y a plus : une tête de jeune fille en marbre blanc, trouvée également à Pergame et exposée à Berlin dans la galerie des antiques (salle des Héros, compartiment XXI), nous montre, dans la fière beauté de son visage, le caractère de la facture et le type même de notre Vénus de Milo.

Indépendamment de ces glorieuses analogies avec des œuvres que les historiens de l’art grec s’accordent généralement à rapporter à l’école de Scopas, — bien qu’en réalité on ne connaisse d’une façon absolument certaine aucune œuvre de ce maître, — la frise des géans vient confirmer l’attribution à l’école de Pergame d’autres productions d’un caractère différent, mais presque aussi réputées. Nous voulons parler de ces statues de Gaulois ou d’esclaves, telles que les Guerriers mourans de Venise ou de Naples, le Gladiateur du musée du Capitole et le groupe de la villa Ludovisi, une des plus remarquables antiques qui soient à Rome. Sans avoir l’importance, ni même la beauté de la Gigantomachie, ces morceaux fameux dans lesquels la force du naturalisme est jointe à une expression dramatique tout à fait saisissante, attestent la valeur de cette école et ajoutent à la haute idée que déjà l’on pouvait avoir de cette cour des Attales si renommée pour son goût et sa culture. Ces princes, auxquels des richesses devenues proverbiales permettaient de satisfaire tous leurs nobles instincts, avaient su grouper autour d’eux les écrivains et les artistes les plus célèbres. La bibliothèque amassée par eux était citée comme la plus belle de ce temps. Sans craindre de les exposer à des comparaisons fâcheuses pour leurs auteurs et pour lui-même, Attale Ier avait fait don aux Athéniens de quelques-unes des œuvres de ses sculpteurs et n’avait pas craint pour elles le voisinage du Parthénon. Nous sommes aujourd’hui plus à même d’apprécier le mérite de ces artistes, et, s’il était besoin d’une nouvelle preuve de leur excellence, nous la trouverions encore dans les monnaies frappées alors à Pergame. A Paris, au cabinet des médailles, où l’on en peut voir la suite complète, elles attirent l’attention parmi toutes celles de l’Asie et elles égalent les meilleurs types de la Grèce ou de Syracuse.

Mais ce ne sont pas seulement des admirations nouvelles que nous apporte cette longue suite de chefs-d’œuvre ; ce sont aussi des révélations piquantes sur des ouvrages d’une autre époque. Tout à l’heure, l’Hermès d’Olympie nous avait fourni l’occasion de protester, en invoquant un témoignage authentique, contre l’attribution à Praxitèle de productions naguère trop vantées et tout à fait indignes de lui. Les sculptures de Pergame remettent aussi en leur vraie place, et d’une manière fort inattendue, d’autres statues autrefois non moins célèbres. Dès la découverte de la frise, on avait été frappé des ressemblances qu’on pouvait relever dans certains de ses groupes avec