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cet art semble se délasser de sa grandeur et mettre jusque dans ses plus fragiles créations son cachet de fine moquerie, de grâce et de beauté faciles. Peut-être, séduits par ces familiarités aimables, nous sommes-nous laissé aller, en leur attribuant une importance excessive, à nous désintéresser un peu trop des grandes œuvres? Mais nous pouvions croire que, pour celles-ci, le temps des grosses découvertes était passe. Coup sur coup, celles d’Olympie et de Pergame nous montrent quelle riche moisson vient d’être faite par nos voisins et quelles espérances on peut encore concevoir de nouvelles récoltes. Ce doit être une raison de plus, chez nous, de dispenser un peu plus largement les ressources, alors qu’avec des probabilités et des garanties suffisantes il est permis de concevoir la possibilité de pareilles trouvailles. Quand nous voyons l’Allemagne, qui, chaque année, est en quête d’expédiens pour équilibrer son budget, ne pas marchander les crédits à des entreprises qui peuvent à la fois lui faire honneur et enrichir ses musées, nous devrions, de notre côté, nous pour qui les plus-values budgétaires deviennent une habitude, nous montrer jaloux de mieux tenir notre rang dans un ordre de recherches dont les premiers nous avons donné l’exemple.

Que de fois, faute d’un peu d’argent, nous avons laissé à d’autres le bénéfice de réaliser des projets que nous avions indiqués et conçus! Au lieu d’acheter au jour le jour, un peu au hasard et en attendant les rares occasions qui peuvent nous être proposées, quelques-uns de ces menus objets, curieux, nous le voulons bien, mais d’importance tout à fait secondaire et dont nos collections sont déjà encombrées, dont parfois elles possèdent des équivalens ou même des similaires d’un mérite supérieur, ne vaudrait-il pas mieux, avec un peu plus de prévoyance et d’initiative, s’assurer d’un seul coup la gloire et la possession de ces grandes découvertes? Nous savons bien qu’il y a toujours une bonne part d’incertitude en ces rencontres et que pareilles fortunes sont assez rares. Mais c’est par l’activité, la suite et au prix de quelques sacrifices qu’on peut les faire naître et en profiter. Vienne le succès, on est, et au-delà, payé de ses peines et de ses dépenses. La seule possession des marbres de Pergame a mis aujourd’hui le musée des antiques de Berlin de pair avec les plus grandes collections de l’Europe.


EMILE MICHEL.