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d’avance pour cette année. Une autre note a répondu aussitôt assez vertement que c’était une erreur de dire « que M. Léon Say n’avait pas mis des conditions absolues à son entrée dans le cabinet. » Et la note ajoutait qu’il y aurait à prendre des mesures pour que les travaux ne fussent pas ralentis, mais qu’il n’y aurait d’émission de dette amortissable ni cette année ni l’année prochaine. Au fond, le désaccord n’est pas sans doute complet sur l’utilité de travaux que personne ne veut abandonner; mais il est bien clair qu’on ne s’entend pas absolument sur les moyens. Il est encore plus clair que si, entre les ministres disposant de la direction des affaires, l’esprit de bonne intelligence reprend souvent ses droits, il y a assez habituellement quelque arrière-pensée, une sorte de divergence sous-entendue, latente, dans la manière de comprendre les conditions que M. Léon Say a mises à son entrée au pouvoir. Que dans la pensée de M. le ministre des finances, ces conditions aient été dès le premier jour absolues, cela ne paraît pas douteux, et M. Léon Say est d’autant plus fondé à les maintenir qu’en les posant il a donné une autorité particulière au cabinet, et qu’en les abandonnant aujourd’hui, il s’affaiblirait lui-même et il affaiblirait le ministère. Il n’y a rien d’absolu, c’est possible. L’essentiel est qu’il y ait dans certaines affaires une fermeté de pensée et de volonté connue. M. Léon Say a montré cette fermeté à son entrée au pouvoir; il ne peut que s’honorer et servir utilement le pays en la gardant jusqu’au bout. Qu’arrive-t-il avec ces systèmes évasifs qui paraissent quelquefois habiles? On cède un jour sur un point, le lendemain sur un autre point. Les prétextes parlementaires ou autres ne manquent pas, et on finit bientôt par n’être plus qu’un ministère sans autorité comme sans caractère, à la merci du premier incident imprévu.

Les affaires de l’Europe, à première vue, n’offrent sans doute pour le moment rien de grave, rien qui laisse pressentir à courte échéance de ces crises violentes, de ces complications faites pour passionner et agiter le monde; elles ne semblent pas moins assez singulièrement enchevêtrées, même assez troublées, surtout vers l’Orient, où la dernière guerre de la Russie contre les Turcs a laissé plus de confusions que de solutions définitives. On s’est efforcé, à la vérité, de tout régler dans les congrès et dans les conférences, par des traités et par des supplémens de traités. On a réussi jusqu’à un certain point, si l’on veut, à reconstituer une situation plus ou moins régulière. Le malheur est que l’Orient est la région où rien ne finit, où les difficultés et les problèmes ne font que se déplacer, compliqués de toutes les influences rivales qui ne cessent de se rencontrer sur ce champ de bataille ouvert, préparé depuis un siècle par la décadence ottomane. Cette question d’Orient, on a beau croire de temps à autre l’avoir résolue, elle renaît toujours d’elle-même, elle ne cesse de subsister