Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/961

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appelées à maintenir cette garantie essentielle dans toute sa force, dans toute son efficacité. Elles n’ont jamais cessé d’être présentes à Alexandrie et au Caire, parce qu’elles y ont, plus encore que les autres puissances, des intérêts de toute sorte, politiques et commerciaux. Elles ont été souvent rivales dans ces contrées du Nil, elle agissent depuis longtemps d’intelligence. Elles ont contribué en commun à sauvegarder l’indépendance, à favoriser la prospérité intérieure du pays, et c’est justement pour mieux garantir la sécurité, le développement matériel de l’Egypte, qu’elles ont été conduites dans ces dernières années à constituer, d’accord avec le khédive, ce qu’on appelle le « contrôle européen, » c’est-à-dire le contrôle de la France et de l’Angleterre, Les deux puissances ont acquis ce droit, elles l’ont exercé dans leur propre intérêt sans doute, mais aussi dans l’intérêt de l’Egypte elle-même, dont les conditions financières se sont singulièrement améliorées sous la surveillance active, directe et efficace des agens européens. Il s’agit maintenant de savoir si on permettra que ce droit, ces intérêts soient lésés ou méconnus, soit par la Porte, qui essaie toujours de ressaisir son autorité à la faveur des événemens, soit par la révolution qui vient de s’accomplir au Caire. L’Angleterre et la France n’en sont point, à vrai dire, à se préoccuper de cette situation. Déjà il y a deux mois, elles adressaient au khédive une note collective par laquelle elles renouvelaient au prince l’assurance de leur protection et refusaient d’avance leur sanction à tout ce qui sortirait d’une explosion d’anarchie. Depuis ce moment, à mesure que les événemens se déroulaient, les cabinets de Paris et de Londres avaient été conduits à préciser leurs résolutions, à délibérer sur la nécessité d’une intervention militaire combinée lorsque la dernière crise a éclaté au Caire, tandis que le ministère changeait à Paris.

Quel est le dernier mot de cette révolution égyptienne, qui n’est pas sans doute arrivée à son terme? On ne peut le dire avec précision; il est même fort à craindre que les chefs du mouvement en viennent bientôt à méconnaître toute autorité européenne, et c’est ici que la question peut se compliquer, que toutes les politiques peuvent se trouver en présence. Ce qu’il y a de sûr, c’est que l’Angleterre et la France ne peuvent abandonner leurs intérêts, et elles ont en cela l’avantage de représenter l’intérêt de l’Europe tout entière. Lorsque la Porte, impatiente de profiter des événemens, s’est adressée récemment à Berlin, à Vienne, à Saint-Pétersbourg comme à Rome, elle a reçu une réponse invariable, c’est que tout le monde désirait le maintien de la situation présente. L’Angleterre et la France ne demandent rien de plus; ce qu’elles veulent, ainsi que lord Granville l’a dit ces jours derniers devant le parlement anglais, « c’est maintenir les droits souverains du sultan, la position du khédive, développer les institutions égyptiennes, et faire respecter toutes les obligations internationales. »