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touche à son dénoûment. Ceux qui voudront apprendre quel usage modéré Alexandre sut faire de sa victoire dans la Babylonie et dans la Susiane, de quels obstacles il trouva sa route hérissée dans la Perside, devront, s’ils consentent à me suivre un jour au sein de ces contrées si mal connues de Strabon, de Diodore de Sicile, de Quinte-Curce et d’Arrien lui-même, s’armer d’une patience que je ne saurais, sans la présomption la plus excessive, demander aux lecteurs de cette Revue. J’ai promis de conduire l’armée macédonienne dans l’Inde ; le voyage paraîtrait peut-être un peu long, si je m’attardais à toutes les étapes de la voie ferrée qui joindra probablement un jour la Méditerranée à l’Océan-Indien, le golfe d’Alexandrette à Bagdad, Bagdad à Chiraz, Chiraz à Téhéran et Téhéran à Caboul.

Alexandre, en mettant la main sur la majeure partie des trésors accumulés à Babylone, à Suse, à Persépolis par une prévoyance séculaire, portait à Darius le dernier coup ; il lui ravissait à la fois le moyen de faire des levées à l’extérieur et celui de raffermir à l’intérieur les fidélités douteuses. Les empires se relèvent difficilement de ces catastrophes qui dissolvent en un jour toute une organisation militaire ; cependant, si le patriotisme ne fléchit pas, si la hiérarchie administrative reste intacte, le mal peut encore être conjuré. Quand, au contraire, tout s’écroule à la fois, il ne reste plus qu’un de ces deux partis à prendre : céder au destin, ou se retirer au fond des déserts, si la nature vous y a ménagé un dernier refuge. Darius s’était préparé de bonne heure à user de cette ressource suprême ; il avait fait filer sur les Pyles caspiennes l’attirail encombrant qui rappelait si mal à propos une splendeur à jamais disparue ; il avait même envoyé au-delà des défilés sa cour et son harem. La mort de Statira ne lui faisait pas, il faut le remarquer, un veuvage absolu : les rois mèdes étaient tenus d’avoir au moins cinq femmes, car il importait que le trône ne fût pas exposé à manquer d’héritiers. Léger de bagages, sûr de pouvoir imprimer désormais une grande rapidité à sa fuite, le successeur des Xerxès et des Artaxerce attendait à Ecbatane les événemens. Six mois, sept mois même s’écoulèrent ; Alexandre ne s’était pas encore mis en marche pour la Médie. Tout à coup, dans les premiers jours du mois de juin de l’année 330 avant Jésus-Christ, Darius apprend que son redoutable ennemi « est tombé sur les Parétaques. » Une campagne d’été, — nous le savons par les récits que nous a laissés Flandin, — semble chose à peu près impossible en Médie, mais ce qui suspend aujourd’hui la marche des caravanes n’était pas capable d’arrêter, à l’époque de la grande conquête, une armée grecque. Les avis alar-mans se succèdent : Alexandre a soumis la Parétacène ; il y a installé un satrape, Oxathrès, fils d’Abulite, qui vient d’exercer, pendant