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se forma aisément une conviction dans le sens où la passion l’entraînait déjà. Presque en même temps d’ailleurs, lui arrivaient de Londres des ouvertures pressantes, faites par le nouveau secrétaire britannique au ministre prussien dans cette capitale. La conséquence fut que, le 22 mars, Podewils recevait l’ordre d’engager lord Hyndfort à se rendre de nouveau, soit à Olmütz, soit à Breslau, pour y traiter cette fois, non d’une trêve et d’une espérance de négociation, mais d’une paix définitive sur la base des conditions suivantes : la Basse-Silésie serait cédée à peu près dans les mêmes limites qui avaient été indiquées dans le protocole de Klein-Schnellendorf, mais avec l’addition d’un cercle et d’une seigneurie de Bohême, Königgratz et Pardubitz. (Notez que ces territoires étaient à ce moment même occupés par les alliés et cédés à la Bavière par un traité de partage que Frédéric venait de signer trois mois à peine auparavant.) En compensation, à la vérité, la reine de Hongrie devait prendre en termes généraux l’engagement de donner aux alliés du roi une satisfaction raisonnable, et d’accepter la médiation des puissances maritimes pour la conclusion d’un traité de paix où toutes les puissances seraient comprises. En aggravant ainsi les conditions qu’il avait obtenues à Klein-Schnellendorf dans des circonstances plus favorables, Frédéric ne pouvait avoir qu’une pensée, c’était de laisser une marge plus étendue à la négociation. S’il commençait par demander plus, c’était pour obtenir autant. Il n’en déclara pas moins à Podewils que ces propositions constituaient un ultimatum dont il n’y avait rien à rabattre[1].

A son grand déplaisir, Hyndfort ne parut mettre aucun empressement à répondre à l’invitation. Trop peu de temps s’était écoulé depuis que l’envoyé anglais avait été pris pour dupe, et il se souciait peu de s’exposer à jouer une seconde fois le même rôle. Il savait d’ailleurs que le même sentiment ne pouvait manquer d’exister, et plus vif encore, chez Marie-Thérèse, et il ne voyait dans les propositions du roi rien qui fût de nature à le dissiper. Le premier éclat de la colère féminine n’était pas commode à essuyer ; le vieux Robinson en avait fait l’épreuve et Hyndfort, en bon collègue, ne se pressait pas de l’y soumettre de nouveau. Il retarda donc son voyage sous divers prétextes, et la première quinzaine d’avril était déjà écoulée que te, date de sa venue n’était pas encore fixée. L’impatience de Frédéric croissait pourtant d’heure en heure. L’été approchait : Belle-Isle annonçait son arrivée et d’un jour à l’autre, il pouvait tomber à l’improviste dans le camp prussien ; il fallait savoir

  1. Pol. Corr., t. II, p. 84-85. — Je ne sais pourquoi, dans la Correspondance, ces instructions sont placées avant le document sans date que j’ai analysé. Le bon sens indique que la délibération dut précéder la décision.