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médiaires, toutes plus ou moins loin de la marine anglaise par le nombre, mais toutes s’en rapprochant par leurs élémens constitutifs. La variété de ces élémens se révèle à première vue : cuirassés d’escadre à mâture, cuirassés d’escadre sans mâture, cuirassés de station lointaine, cuirassés à batteries, à réduit central, à tourelles fixes, à tourelles mobiles, que sais-je encore ? Une multitude de types variant surtout suivant l’époque où ils ont été conçus et dont chacun, par cela même, ne ressemble que de loin au type qui l’a précédé, au type qui l’a suivi dans l’ordre de création de la flotte cuirassée. C’est là une conséquence inévitable d’une période de gestation, d’enfantement et, par suite, de tâtonnemens, d’expériences, d’essais, d’écoles, pour me servir d’un mot vulgaire mais expressif, et cette période doit toucher à sa fin ; on voudrait le croire, mais est-ce possible ?

L’Italie, la dernière venue des nations européennes, a voulu, comme elles, avoir sa marine de guerre et, après la bataille de Lissa, elle s’est résolue à la créer de toutes pièces ; de plus, comme elle ne prétend, pour le moment du moins, qu’à une influence sur une portion restreinte du monde maritime, le bassin de la Méditerranée, elle a renoncé sagement aux cuirassés de station lointaine ; elle a donc pu, dans la création de toutes pièces de sa marine, éviter les essais, les tâtonnemens, les écoles, et concentrer toutes ses ressources sur sa flotte de combat, sur ses cuirassés d’escadre. Leur nombre total s’élève à onze, et ils se scindent tout d’abord en deux grandes catégories : cuirassés d’escadre mâtés, cuirassés d’escadre sans mâture ; des sept qui constituent la première catégorie, quatre, construits à une époque déjà lointaine (1863-1865), l’ont été sur un type unique et ne diffèrent pas entre eux. Le cinquième s’en éloigne déjà ; les deux autres, armés en 1875, ne le rappellent plus que de très loin. Cependant les idées semblent se préciser aux lumières d’une expérience déjà longue. Les ingénieurs italiens croient avoir trouvé, sinon le type définitif du véritable cuirassé d’escadre, du moins un type assuré d’un long avenir. Le Duilio et le Dandolo sont mis sur les chantiers ; ils n’étaient pas achevés (1878) qu’un nouveau type prend la place de celui dont ils sont la pensée depuis peu réalisée. L’Italia et le Lepanto seront les spécimens de cette nouvelle conception.

L’exemple paraît décisif ; or cet exemple nous serait fourni, peut-être seulement avec moins de clarté, par toutes les marines de guerre cuirassées. N’est-ce pas la preuve irrécusable que, par les incessans progrès de la science appliquée à la sanglante industrie de la guerre maritime, cette industrie est fatalement vouée à l’incertitude et à l’instabilité ?

C’est qu’en effet, si le problème est simple dans son énoncé : qui l’emportera de la puissance d’attaque, de la puissance de résis-