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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/346

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torpilles dormantes suffiraient à les rendre infranchissables, et ce n’est pas sur elles seules que se reposeraient les défenseurs de Nicolaïef ; sans énumérer toutes ces défenses, on peut dire de cet arsenal qu’il est imprenable, à l’abri d’une surprise comme d’un bombardement à distance.

Kronstadt est le grand port russe de la Baltique, la porte de la Neva, la forteresse de Saint-Pétersbourg, qu’elle rend inviolable par mer. C’est une immense citadelle qui commande, des feux convergens de ses trois mille pièces d’artillerie, le canal qui du large conduit dans la rade intérieure et à l’embouchure de la Neva. Ce canal est long et étroit ; deux vaisseaux ne peuvent s’y engager de front ; des bouées que le premier soin de la défense, serait de faire disparaître signalent les amers des bancs à travers lesquels il est creusé. Kronstadt est imprenable, et si un bombardement à distance est possible, les murs de granit de ses remparts sont couverts aujourd’hui d’une armure d’acier et couronnés par des coupoles tournantes abritant les plus puissans canons. Les bombes ennemies s’y briseraient impuissantes.

L’Angleterre a encore quatre grands ports militaires ; elle semble les regarder plutôt comme une défense contre les prétentions et le monopole des puissantes maisons industrielles qui construisent ses flottes que comme les chantiers mêmes de ces flottes. Ce sont surtout des ports d’armement et de réparation : Chatham fait seul exception. Dans ces dernières années, il a pris des développemens qui le désignent comme le principal centre de concentration et d’action des forces navales anglaises. Ces mots d’un diplomate célèbre : « Tout arrive, » ont sans doute inspiré les hommes d’état de l’Angleterre. Tout arrive, et tout est à prévoir, même le jour où les murailles de fer se révéleraient moins puissantes que les vieilles murailles de bois et n’assureraient plus à l’Angleterre l’empire incontesté de l’océan ; même le jour où ses côtes inviolées seraient insultées, ses ports incendiés par une flotte ennemie victorieuse. Ce jour-là, Chatham resterait inattaqué ; il est inattaquable, à l’abri des surprises des thornycrofts comme des atteintes des plus puissantes escadres. Sa situation géographique lui a créé ce privilège. L’arsenal de Chatham se développe, en effet, sur la rive droite de la Medway, affluent de la Tamise, à 20 kilomètres du confluent des deux rivières ou plutôt de l’embouchure de la Medway, car la Tamise, en ce point, c’est déjà la mer. Dans son cours sinueux obstrué de bancs qui rétrécissent encore les passes ouvertes aux grands navires, la Medway a une largeur moyenne de 400 mètres ; mais, à plus de 5 milles de la ville, la distance entre les deux rives n’est plus que de 300 mètres.

Kiel et Wilhemshaven, Kronstadt et Nicolaïef, Chatham, tels sont