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saint Paul et de saint Pierre se présente à lui. Il la traite longuement dans ses préfaces et la résout avec le même esprit de modération. Ici encore il lui est arrivé de ne pas satisfaire les deux partis opposés. Tandis qu’en France on l’accusait d’être, trop hardi, en Allemagne il a paru trop timide. Ce dernier reproche l’a toucha et il y répond avec une certaine hauteur dans la préface de son cinquième volume. « Loin de moi, dit-il, la pensée de nier ou d’atténuer les services que la science allemande a rendus à nos difficiles études ; mais pour profiter réellement de ces services, il faut y regarder de très près et y appliquer un grand esprit de discernement. Il faut surtout être bien décidé à ne tenir aucun compte des critiques hautaines d’hommes à système qui vous traitent d’ignorant et d’arriéré parce que vous n’admettez pas d’emblée la dernière nouveauté éclose du cerveau d’un jeune docteur. » Ces témérités ne le tentent pas, il persiste à se tenir au milieu des opinions contraires. Parmi les œuvres contestées qui portent le nom des apôtres ou des premiers disciples de Jésus, il garde le plus qu’il peut ; puis, dans ce qu’il a gardé, il essaie par des études minutieuses, des corrections de phrases, des interprétations de sens, de découvrir ce qui lui paraît être la vérité. « Ces textes n’étant pas historiques, dit-il, ne donnent pas la certitude ; mais ils donnent quelque chose. Il ne faut pas les suivre avec une confiance aveugle, il ne faut pas se priver de leur témoignage avec un injuste dédain ; il faut tâcher de deviner ce qu’ils cachent, sans jamais être absolument sûr de l’avoir trouvé. » Voilà en quelques mots la méthode de M. Renan. Il reste à connaître de quelle manière il l’applique et ce qu’il en a tiré.

Pour le savoir, il faudrait analyser et étudier à part chacun des sept volumes dont l’œuvre se compose. Ce serait un travail trop long, qu’on ne peut entreprendre ici, et qu’il est nécessaire d’abréger. Je demande d’abord à ne rien dire de la Vie de Jésus qui forme le premier livre de l’Histoire des origines du christianisme. On n’a pas oublié avec quels applaudissemens elle fut reçue du public ; pour beaucoup de personnes, c’est encore la plus belle partie de l’œuvre de M. Renan. J’avoue que je ne partage pas cette opinion. Jamais peut-être M. Renan n’a déployé plus de talent comme écrivain et comme artiste ; jamais comme historien il n’est arrivé à de plus minces résultats. Je n’en suis pas surpris : il tentait une œuvre où le succès me paraît presque impossible. « On écrira toujours des Vie de Jésus, dit M. Renan, et on les lira toujours avec empressement. » Je le crois bien ; il n’y a pas de sujet au monde qui puisse nous intéresser davantage et qui nous touche de plus près. Mais si l’œuvre est toujours à recommencer, n’est-ce pas la preuve qu’on ne la trouve jamais parfaite ? On ouvre sans doute