Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le 8 août 1881, ce budget extraordinaire est fixé au chiffre de 682 millions de francs, nous négligeons les fractions; puis interviennent toute une autre série de lois et une série de décrets qui le modifient, en retranchent, y ajoutent, y joignent des reports des exercices précédens, si bien que, dans son état actuel, qui ne sera pas son état de demain, le total général du budget extraordinaire de 1881 s’élève au chiffre colossal de 948 millions. Comment, avec des chiffres aussi changeans, aussi incertains, peut-on se rendre compte d’une situation financière, la surveiller, la maintenir dans certaines limites? Il y a cinq cent cinquante députés dans notre chambre et trois cents membres dans le sénat ; ce serait merveille si, parmi ces huit cent cinquante personnes, il y en avait, je ne dis pas une sur dix, mais une sur vingt, qui se rendît le moins du monde compte des finances du pays. Et voilà comment nous sommes, au moment où j’écris, dans de véritables embarras financiers sans que l’énorme majorité des députés ou des sénateurs semble en avoir conscience.

Ces embarras financiers tiennent aux deux autres conséquences de la fatale méthode que l’on a adoptée pour la confection des travaux publics. C’est déjà un mal que de ne pas voir clair ; c’en est un bien plus grand quand, à cette obscurité, se joint la nécessité de pourvoir presque au hasard à des charges énormes. Nous avons donc des budgets extraordinaires dont les chiffres, par leurs variations incessantes, échappent à l’examen ou à l’intelligence de presque tous ceux qui sont chargés de les voter. Ces budgets extraordinaires, il faut les doter : avec quoi? Naturellement avec des emprunts. Aussi l’on a émis des emprunts à peu près sous toutes les formes : obligations trentenaires, obligations à court terme ou bons du trésor à long terme devant durer cinq ou six ans, emprunt de 80 millions à la Banque de France, emprunt de 440 millions en rente amortissable émis en 1878, emprunt de 1 milliard en rente amortissable émis en 1881. Voilà les opérations que connaît le public. Mais ce n’est que la plus petite partie des ressources que le trésor a dû se procurer pour les budgets extraordinaires. On pourrait croire, par exemple, que l’emprunt amortissable de 1 milliard émis en 1881, et qui a été libéré dans le mois de février 1882, a été affecté aux dépenses du dernier exercice ou de l’exercice courant. Ce serait là une grande erreur. Cet emprunt de 1 milliard, qui a été libéré hier seulement, qui est encore à l’état flottant et non classé, a servi à payer les dépenses déjà effectuées des exercices 1879 et 1880; il n’en est resté qu’une moindre partie pour l’année 1881. Ainsi, contrairement aux bonnes habitudes financières, l’emprunt de 1 milliard n’est pas venu fournir des ressources pour des travaux en cours ou