était temps de songer à lui faire franchir un nouveau degré ; mais auparavant, il fallait revenir au nid paternel. Ces quatre années d’absence l’avaient transformé. Il était parti enfant ; c’était un jeune homme dans tout l’élan de sa seizième année qui revenait à Vizelles. L’éloignement, qui efface les souvenirs faibles, grave plus profondément dans le cœur les impressions fortes : l’imagination, à l’âge de son développement, en quête d’objets où se fixer, lui avait sans cesse rappelé dans les longues veillées de collège le berceau de son enfance, pour lui prêter tous les charmes d’une nature en fête. Retenu à Vendôme de 1810 à 1814 sans voir un seul de ses parens, gêné dans l’expression de son affection filiale, il allait retrouver sa famille avec une émotion qui a été la première joie de sa jeunesse ! Malheureusement les contrastes qui sont la vie de l’esprit ne sont pas toujours pour le corps la plus salutaire hygiène. La pleine liberté des champs succédant sans transition à un travail excessif et à une réclusion de quatre années, détermina une fatigue dont on fut longtemps à discerner la nature. La fièvre se déclara lente et tenace comme les fièvres d’octobre. L’époque de la rentrée se passa sans amélioration. Fallait-il écouter les conseils des amis qui engageaient à essayer d’un changement de climat ? Devait-on jeter dans Paris le jeune homme épuisé par les fièvres réglées, au risque d’une maladie plus grave ? Ni le père, ni la mère n’eurent cette hardiesse ; ils étaient trop sages pour hésiter à acheter au prix d’une année perdue la santé de leur fils. Il passa l’hiver à Vizelles et il assista au réveil du printemps qu’il avait chanté en vers sans le connaître et qu’à dater de ce jour il n’oublia plus. Il y a des maladies qui sont des crises heureuses, comme il y des douleurs qui trempent l’âme. Jules Dufaure se retrouva plus vigoureux que jamais lorsque arriva l’été ; au sortir de sa croissance, il avait conquis la santé solide dont il devait jouir toute sa vie. C’était le moment de régler son avenir. Ses parens avaient été trop frappés de l’étendue de son intelligence pour hésiter à continuer les sacrifices ; ils se décidèrent à l’envoyer, non plus à Vendôme, mais à Paris, où il irait, dans la première pension d’alors, dans l’institution Favart, suivre les cours du lycée Charlemagne. Dès le lendemain des vendanges, il s’arracha, le cœur navré, mais résolu, aux joies de la famille, emportant avec le regret de la maison paternelle un amour de la campagne que le temps ne devait pas affaiblir.
À toute époque, l’arrivée dans la capitale d’un jeune homme élevé en province est un événement qui marque dans la vie. L’entrée