en renom, étudier son talent, s’enflammer à la pensée « que M. Hennequin a le même âge que M. Dupin et qu’il est beau de voir, de deux si jeunes avocats, l’un le plus savant, l’autre le plus éloquent du barreau. » C’est en 1818 que sa pensée s’éveille. Les discussions des chambres, répercutées par une presse plus active et par d’innombrables brochures, avaient donné un aiguillon à l’opinion publique. Le jeune barreau, mécontent que Manuel ait vu pour la seconde fois repoussée une demande d’inscription au tableau de l’ordre des avocats, s’était épris d’enthousiasme pour l’orateur injustement persécuté par les royalistes. les élections partielles d’octobre 1818, furent les premières qui émurent Jules Dufaure et ses amis. Les échecs de M. de Lafayette dans Seine-et-Marne et de Manuel à Paris l’avaient affligé, leurs succès en province lui causèrent une vive satisfaction. Il se promet bien d’aller à la chambre cette année. « Il pourra, écrit-il, sortir de ces bouches quelque chose qui ressemble à l’assemblée constituante. Du sein de notre petite conférence, nous jetons en soupirant les yeux sur ces heureux modèles. Nous nous plaignons, comme Alexandre, de ce qu’ils ne nous laisseront rien à faire. Nous mesurons en murmurant cette chaîne d’événemens qui sépare les jours de leur gloire de ceux où nous pourrons songer à la nôtre. Toutefois, en attendant, nous cherchons à les imiter. » La pensée de suivre les discussions politiques, d’étudier l’éloquence parlementaire comme il avait écouté et suivi les orateurs du barreau ou le brillant enseignement de la Sorbonne revient souvent sous sa plume. Il n’y a pas de trace de passion politique dans l’esprit du jeune étudiant ; parfois même on entrevoit quelque raillerie contre l’esprit de parti, et, pour son compte, il sait si bien s’en dégager qu’il applaudit à l’échec d’un des écrivains les plus connus de la gauche, « parce qu’il le croit un intrigant et qu’il se serait vendu au ministère avant d’avoir parlé. » Dès la première expression de son opinion sur les hommes, il puise donc en lui-même le jugement qu’il en porte et ne se plie pas à l’opinion toute faite d’un journal ou d’une coterie.
La restauration touchait alors à son apogée : c’était le moment où, après d’heureuses et habiles négociations, le duc de Richelieu avait obtenu à Aix-la-Chapelle l’évacuation du territoire. Les chambres appartenaient à des majorités sages, et le ministère qui en était issu contenait dans son sein des hommes qui n’entendaient rompre avec aucune des fractions modérées de l’opinion. Si les conseillers de la couronne pouvaient entrevoir pour l’avenir des périls, si ceux qui avaient traversé la révolution portaient le poids de certains soucis, il était impossible que la masse de la nation conçût quelque alarme sérieuse. Aujourd’hui, à tout prendre et en considérant de