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en avait fait beaucoup d’autres non signés. « Que je ne vote pas, ajoutait-il, parce que je n’ai pas l’âge, la loi m’y contraint ; mais, tout aussi intéressé que personne au maintien de nos institutions et à la chute de nos ministres, pourquoi dans ce double but ne porterais-je pas ? n’écrirais-je pas ? n’userais-je pas du peu d’influence que je peux avoir sur les électeurs ? Je n’en trouve pas la raison. »

Il continua à écrire, mais sans que les initiales reparussent. La jeunesse de Bordeaux n’ignorait pas sa collaboration. Il était mêlé à tout ce qui se faisait pour empêcher le retour des manœuvres de 1824, se désolait de l’insuccès des efforts de son père au collège de l’arrondissement de Jonzac, prenait part à sa joie quand, au grand collège de la Rochelle, M. Duchâtel l’emportait sur les royalistes ministériels, apprenait avec intérêt ce qu’avait fait pour cette candidature l’activité filiale du rédacteur du Globe, et répondait aux bulletins de son père en lui envoyant les nouvelles de Bordeaux. « Il règne ici une incroyable agitation. Jamais il n’y eut tant de passion, mais jamais la cause ne fut plus importante. C’est la France en lutte avec son odieux ministère. » Et quelques jours plus tard : « Sur cinq collèges, nous avons fait passer quatre libéraux. M. Ravez est le seul ministériel élu. Si tous les électeurs ont agi comme à Bordeaux, le ministère sera renversé. » « Tu ne saurais croire combien de faux électeurs nous avons écartés par nos menaces. Il me faudrait vingt pages pour te conter l’histoire de nos élections de Bordeaux. »

En rétablissant la paix, le ministère Martignac le rendit tout entier à ses dossiers ; une foule de cliens assiégeaient son cabinet. Il était rassuré sur l’avenir et revenait avec joie à sa profession. L’année 1829 revit les orages. L’avènement de M. de Polignac fut le signal de nouveaux procès de presse. Dès la fin d’août 1829, M. Dufaure se retrouve sur la brèche. Il défend le Mémorial et fait acquitter M. Duperrier de Larsan. Une élection partielle a lieu ; cette fois l’âge de trente ans a sonné : il est électeur ; il faut que Bordeaux exprime ce que sent la France entière. Le ministère comprend l’importance de la lutte ; il remportera un triomphe ou recevra un coup terrible. « Nous avons un démon de préfet, écrit-il. Les fraudes ont été nombreuses. » De l’extrémité de la France on avait obligé des électeurs à faire en poste plusieurs centaines de lieues en plein hiver. Dans toute la Gascogne on avait fait arriver des hobereaux qui, « depuis le retour de l’émigration, n’avaient pas quitté leurs antiques castels. » Peine perdue. Le candidat favorable au maintien de la charte fut nommé. Cette épreuve n’était que le prélude d’une lutte bien autrement ardente qui devait passionner à la fois l’opinion publique de Dunkerque à Marseille. Le printemps