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énonciative de la surveillance. » C’était évidemment une loi d’exception justifiée par la lutte terrible que la première république française avait à soutenir contre l’Europe. Mais la convention n’aimait pas les demi-mesures. Un mois s’était à peine écoulé qu’elle redoublait d’énergie pour assurer l’exécution de ses volontés. Rapportant l’art, 4 de la loi du 23 messidor, elle décrétait « que tout étranger qui ne se serait pas conformé aux autres articles de cette loi serait regardé comme espion, poursuivi comme tel, et que tout particulier qui serait convaincu d’avoir recelé lesdits étrangers serait puni de six mois de détention. » Elle allait jusqu’à faire promulguer en Belgique, le 8 brumaire an IV, les deux lois du 23 messidor et du 15 thermidor an III. Cette assemblée de terribles patriotes ne se figura pas un instant qu’il « n’y eût pas d’étrangers pour la France. « Il n’y avait pas longtemps qu’elle avait déclaré la patrie en danger et que Robespierre avait fait rayer de la société des jacobins « M. Clootz, le prétendu sans-culotte, qui est Prussien et baron, qui a 100,000 livres de rente, qui dîne avec les banquiers conspirateurs et qui est, non pas l’orateur du peuple français, mais l’orateur du genre humain. » Les jacobins de 1793 et de 1794 croyaient « qu’on n’emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers,» et, quant à « l’orateur du genre humain, » on sait comment ils le traitèrent.

Le directoire ne fut pas moins ombrageux. La loi du 28 vendémiaire an VI contient un article ainsi conçu : « Tous étrangers voyageant dans l’intérieur de la république ou y résidant sans y avoir une mission des puissances neutres et amies reconnue par le gouvernement français ou sans y avoir acquis le titre de citoyen sont mis sous la surveillance spéciale du pouvoir exécutif, qui pourra retirer leurs passeports et leur enjoindre de sortir du territoire français s’il juge leur présence susceptible de troubler l’ordre et la tranquillité publique. » Voilà le droit illimité d’expulsion conféré par le pouvoir législatif au gouvernement. Ce n’est pas là d’ailleurs, dans la pensée des conseils, une mesure provisoire ni un expédient révolutionnaire, mais une loi d’ordre général destinée à régir d’une façon permanente les rapports de l’état et des étrangers.

On sait qu’un important arrêté consulaire du 12 messidor an VIII, rendu sur le rapport du ministre de la police et le conseil d’état entendu, règle les attributions du préfet de police. « Il accordera, dit l’article 5, les permissions de séjour aux voyageurs qui veulent résider à Paris plus de trois jours. » C’est le texte que visa formellement, le 4 août 1870, le préfet de police Piétri lorsqu’il enjoignit aux sujets des pays en guerre avec la France de demander un permis de séjour dans le délai de trois jours et ordonna la mise en arrestation des récalcitrans. Cette disposition spéciale n’était donc