Avant le mariage, le bon temps, après le mariage, les devoirs sérieux de la vie; c’est ainsi qu’elles entendent l’existence. N’avais-je pas raison de dire que c’est juste le contraire en France? et quand je devrais me faire mal voir, je ne puis m’empêcher de trouver que ce sont les Américaines qui ont raison. Tant qu’à donner une certaine part de sa vie à l’amusement, à la frivolité, à la coquetterie même si l’on veut, n’est-il pas mieux que ce soit pendant le temps où l’on peut le faire sans négliger aucun devoir sérieux, et où les imprudences, les fautes mêmes que l’on peut commettre, ne retombent que sur vous-même? Il ne faut pas d’ailleurs s’imaginer que cette liberté des jeunes filles américaines, si fort critiquée en France, ne soit pas tempérée (je parle bien entendu dans la bonne société) par mille nuances judicieuses et qui en corrigent beaucoup les inconvéniens. Elles reçoivent des visites, tout comme les jeunes femmes en France, mais jamais dans leur chambre et toujours dans le salon de leur mère; elles sortent seules, mais si c’est par exemple à New-York, elles ne s’aventureront guère dans Broadway et borneront leurs promenades à ces régions bien habitées qui s’étendent entre Washington-Square et Central-Park. Elles iront se promener en voiture avec un jeune homme, mais ce sera ouvertement, dans son gig, à l’heure de la promenade publique, et jamais en coupé dans un quartier perdu de la ville. L’usage et l’instinct leur tiennent lieu d’expérience, et si abus était fait de quelque imprudence commise, justice sociale serait, immédiatement exercée par les hommes eux-mêmes sur celui d’entre eux qui aurait manqué à l’honneur. Sans doute, il ne serait pas très difficile de citer telle excentricité un peu forte commise par une jeune fille américaine, principalement par une Américaine de Paris, mais il n’est pas plus juste de juger par un de ces exemples les jeunes filles du bon monde de New-York ou de Boston qu’il ne serait juste de juger (ce qu’on est assez disposé, soit dit en passant, à faire en Amérique) les jeunes femmes de la bonne société française par les excentricités de telle Parisienne de Nice. Dans les deux villes dont je viens de parler, on rencontre au contraire nombre de jeunes filles assez différentes, sans doute, de nos jeunes filles françaises par la liberté des allures, par la vivacité de leur conversation, par l’absence de tout embarras dans leurs relations avec les hommes de tous les âges, mais dont les manières n’en sentent pas moins la parfaite bonne compagnie. La différence s’accentue peut-être un peu davantage à mesure qu’on descend vers le Sud, et le type de la fast girl (qui, pour dire la vérité, n’est pas non plus introuvable dans le Nord) se rencontre plus facilement à Richmond qu’à New-York, et plus facilement encore, m’a-t-on assuré, à la Nouvelle-Orléans qu’à Richmond. Mais cette même fast girl, après quelques années de flirt où
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