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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/913

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de deux cents habitans, il n’y a place pour aucun commerce et aucune industrie, alors que le commerce et l’industrie peuvent se développer à l’aise dans une ville de deux cent mille habitans. Plus il y a d’hommes réunis, groupés en masses compactes et formant une agglomération quelconque, village, ville, province, nation, plus le commerce peut s’étendre. Les produits industriels ou agricoles trouvent un marché d’autant plus facile que le marché est plus étendu. Il y a, depuis un siècle, dans presque tous les pays européens, une tendance extrêmement marquée à la migration des populations agricoles vers les grands centres. C’est que les campagnards trouvent là des conditions favorables à la facilité des échanges. Une population clair-semée a peu de besoins, peu de luxe, partant, peu de commerce et d’industrie. Dans une population dense, les communications sont faciles ; l’aisance et le luxe se développent; et, par suite, la richesse s’accroît d’autant plus que la population est plus dense.

La richesse d’un individu ne dépend pas seulement de ce qu’il possède; elle dépend aussi de la richesse de ses voisins. Quand un commerçant veut s’enrichir, il ne va pas chercher fortune dans un pays pauvre ; il va s’adresser à des populations riches et nombreuses, car c’est là seulement qu’il peut écouler à bon compte ses marchandises. Cent négocians dans une ville de cent mille âmes réussiront certainement mieux qu’un seul négociant dans un bourg de mille habitans.

Les ressources d’un pays peu peuplé sont nécessairement très limitées. Entre un grand et un petit pays il y a, en effet, la même différence qu’entre une grande et une petite commune. La ville de Paris peut exécuter de grands travaux, construire des édifices : hôtels de ville, opéras, aqueducs, hôpitaux, chemins de fer, canaux, écoles ; attirer l’argent des étrangers par le luxe des établissemens de toute sorte qu’elle construit; améliorer son état sanitaire et ses voies de communication, etc., alors que la ville de Mende, par exemple, ne pourrait rien faire de semblable, et qu’elle ne serait pas en état, si une route, ou un chemin de fer, ou un hôpital, lui étaient nécessaires, de les payer de ses propres deniers. De même, la France peut faire telle colossale dépense, utile et productive, que la Suisse désirerait pouvoir exécuter, mais vainement, parce que ses ressources financières, trop faibles, le lui interdisent. Il y a évidemment avantage aux citoyens français à pouvoir faire exécuter tels grands travaux qui porteront leurs fruits plus tard, même si, pour que cette dépense soit payée, chaque citoyen est taxé annuellement d’impôts plus lourds. Pour prendre une autre comparaison, voyez ce qui se passe en Amérique, dans ces immenses exploitations