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influence agit sur leurs mœurs et leur civilisation ; tandis que leurs idées ne se répandent pas chez nous, et leur influence sur notre développement est à peu près nulle.

Pour l’extension du commerce, le développement des relations internationales, une langue commune est l’instrument le plus efficace. La diffusion de sa langue nationale mesure l’influence d’une nation. Toutes les fois qu’il s’agit du rôle de la France à l’étranger, la question la plus importante est peut-être celle-ci : Parle-t-on le français, lit-on les livres et les journaux français? Il est clair que plus le nombre des individus parlant le français, soit en France, soit hors de France, sera considérable, plus notre littérature, notre philosophie, notre science, auront d’influence dans le monde.

Donc, quand nous parlons de la grandeur de la France, et de sa puissance, et de son avenir, c’est comme si nous parlions de l’extension de la langue française. C’est ainsi que se peut saisir le lien qui unit l’extension de la population à la grandeur de la patrie. Si la France avait beaucoup d’enfans, si le nombre des hommes parlant le français allait en croissant aussi vite que le nombre des hommes parlant l’anglais ou le russe, nous assisterions peut-être au triomphe, non pas de l’administration française, ce qui nous importe peu, mais des idées françaises; car les idées françaises s’étendent partout où s’étend notre langue. Voilà ce qui nous est cher : voilà le but vers lequel il faut tendre.

Il me sera permis de l’avouer, c’est le souci de la grandeur de la France qui m’a guidé dans cette étude. On sera peut-être rebuté par des chiffres arides et des détails fastidieux, mais cette aridité n’est qu’apparente. Les chiffres ont leur éloquence. Ils nous révèlent l’avenir par la connaissance du passé. Ils nous indiquent avec une incomparable précision si notre pays grandit ou décroît. Aussi me paraît-il qu’une étude sur la population française, quelqu’ardue qu’elle paraisse, doit intéresser tous les Français qu’intéressent les destinées futures de leur patrie.


II.

Un premier fait se dégage de l’examen des chiffres qui expriment le nombre des naissances, autrement dit la natalité d’un pays ou d’une ville; c’est la constance de ces chiffres. On pourrait croire que, par suite des hasards multipliés et des milliers de circonstances fortuites qui amènent la naissance d’un enfant à tel ou tel moment déterminé, il existe une énorme irrégularité dans le nombre des naissances qu’on constate, soit par jour, soit par semaine. Il eût été