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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/92

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au moyen de ressources spéciales formant un budget extraordinaire ; on estimait que la dépense pourrait être de 500 millions environ par an pendant une dizaine d’années, et ce fut afin de pourvoir à cette dépense que l’on créa ultérieurement un nouveau type de rente 3 pour 100 amortissable en soixante-quinze ans.

La loi, votée pair la chambre le 2 avril 1879 et adoptée sans modification par le sénat, ne fournissait pas encore la solution du litige qui divisait les esprits quant au mode d’exploitation. Il était permis de supposer que le ministre des travaux publics était plutôt favorable à l’exploitation par des compagnies ; mais ce qu’il voulait avant tout, c’était l’exécution de son plan, et il craignait sans doute de compromettre ou de retarder le vote de la loi s’il exprimait ouvertement sur ce point une opinion personnelle. Il lui parut plus habile de se déclarer prêt à suivre la volonté du parlement ; il insista seulement en termes très énergiques pour que cette volonté du parlement fût enfin connue, « Le parlement, dit-il, ne peut pas rester toujours en présence d’une question qui passionne périodiquement ses débats sans lui donner de solution ; il ne peut pas rester indéfiniment devant ses ministres dans la position du sphinx antique, semblant dire à chacun d’eux : « Devine si tu peux, et choisis si tu l’oses… » Il faut que vous disiez ici ce que vous voulez en matière d’exploitation des chemins de fer ; il faut vous prononcer… Dans quelques mois, vous aurez des lignes qui, actuellement en construction, seront à peu près terminées et dont l’exploitation devra s’ouvrir. Il est indispensable qu’à ce moment la question d’exploitation ait été résolue ; il ne faut pas, vous le sentez bien, donner au pays ce spectacle, qui serait un avortement lamentable, d’avoir construit entièrement des lignes, puis de s’arrêter sans savoir qui les exploitera. Il est donc absolument nécessaire que le problème soit résolu avant cette époque… » M. de Freycinet s’exprimait ainsi dans la séance du 29 mars 1870 devant la chambre des députés. Il y a trois ans qu’il démontrait l’absolue nécessité d’organiser définitivement un système d’exploitation pour les chemins de fer : la question n’a point fait un pas ; chaque jour de retard est venu compliquer les difficultés du problème, et ces difficultés sont telles aujourd’hui qu’elles menacent de compromettre, dès la première période, la réalisation du vaste programme dont l’initiative appartient à M. de Freycinet. C’est une leçon, disons-le en passant, pour les gouvernemens et pour les ministres : il ne suffit pas de concevoir de grands projets, il faut prévoir et savoir comment on les exécutera, et les ministres, en pareil cas, ne doivent pas aborder les parlemens sans avoir un plan tout prêt qu’ils soient résolus à défendre avec autorité et fermeté.

Cette lacune si grave dans le plan de M. de Freycinet eut pour