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cette malheureuse population de Paris est frappée du plus épouvantable fléau, c’est le moment où nous sommes entre deux, préoccupations d’une action extérieure qui n’est pas terminée, d’un fléau intérieur qui ne nous permet le repos ni le jour ni la nuit, c’est ce moment, dis-je, qu’on choisit pour appeler aux armes, pour provoquer à l’insurrection ! Croyez-vous que les membres du gouvernement, irrités dans leurs sentimens les plus intimes, indignés comme hommes et comme citoyens, manqueront à ce qu’ils doivent faire ? » (Discours du 12 juin 1849. )

Aucun membre du cabinet ne faillit à son devoir. Dans les quinze heures qui s’écoulèrent entre le cri de guerre poussé par M. Ledru-Rollin et la fin de la nuit suivante, toutes les précautions furent prises. Le général Changarnier joua, à son grand honneur, le rôle qui aurait du être confié le 24 février au maréchal Bugeaud. L’insurrection fut étouffée en quelques heures ; plusieurs représentans de la montagne furent arrêtés au Conservatoire des arts et métiers ; les villes qui avaient reçu le signal de Paris rentrèrent dans l’ordre. L’impulsion vigoureuse venue de la capitale prévint ou réprima l’explosion dans les provinces. En peu de jours, le ministre de l’intérieur réclama et obtint de l’assemblée la mise en état de siège de Paris et de plusieurs départemens, ainsi que l’interdiction des clubs pendant un an. Chaque jour, il avait à répondre à des interpellations, à se mêler à des incidens que soulevait l’extrême gauche en faveur de la liberté de la presse. Six journaux avaient été suspendus à Paris en vertu de l’état de siège. L’opposition faisait grand bruit de ces mesures. « Je vous défie, disait M. Dufaure, de citer un journal qui ait été suspendu et qui, le matin même, n’ait pas contenu un appel odieux à l’insurrection. Les discussions, nous ne les avons jamais défendues, mais l’appel aux armes, mais la provocation continuelle à la révolte, mais toute une société obligée de se tenir continuellement comme sur un champ de bataille, parce qu’au milieu d’elle, il y a six journaux provocateurs dont les voix sont bruyantes, qui se répandent partout ! vous n’y pensez pas ! Vous vous prétendez les défenseurs exclusifs de la république, mais vous la tueriez. C’est nous, et je m’en fais honneur, qui la défendons. Vous, vous ne la comprenez pas ! vous n’en avez pas l’intelligence ! La république doit être un grand gouvernement régulier ; les principes qu’on m’oppose en feraient une insurrection continuelle. La république est un gouvernement de libre discussion, et l’exemple qu’on donne ici est celui d’une liberté perpétuellement troublée et comprimée. (10 juillet.) » Au milieu de ces débats, que ravivaient sans cesse les souvenirs récens de l’insurrection, on imagine aisément ce que devait penser M. Dufaure quand il entendait quelques-uns des placides rêveurs de la gauche défendre à la tribune la liberté illimitée. Un jour, au