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Qu’il s’agisse d’El-Cantara, de Biskra, de Laghouat, d’El-Oued ou d’Ouargla, l’aspect d’une oasis est toujours le même ; et il n’y a que les oasis où puisse croître une végétation quelconque. Sous le soleil ardent de l’Afrique, alors que, pendant de longs mois, nulle goutte de pluie ne vient imbiber le sol, il faut, pour qu’une plante vive, que ses racines soient irriguées par une eau abondante. Il semble que la meilleure définition qu’on pourrait donner de l’oasis serait de dire que c’est un marécage. L’oasis est un marécage au milieu d’une région aride, et cette humidité, qui dans nos climats serait funeste à la vie des plantes et ne permettrait que le développement des espèces aquatiques, est absolument nécessaire à la prospérité des dattiers.

On connaît le dicton arabe : « Les pieds dans l’eau et la tête dans le feu. » Il faut, pour qu’un palmier porte des fruits, une quantité d’eau considérable. On a calculé que, pour suffire à l’irrigation de dix palmiers, il fallait environ trois litres d’eau par minute. Plus la quantité d’eau dont on dispose est considérable, plus les palmiers prospèrent, plus les dattes sont sucrées et abondantes. Si les dattes de l’Oued Souf sont si succulentes et préférables assurément à toutes les autres, c’est que, dans l’Oued Souf, à quelques mètres au-dessous du sol, se trouve une nappe d’eau dans laquelle sont constamment plongées les racines des arbres. L’eau, pour le palmier, est une condition d’existence indispensable, et dans toute l’Afrique septentrionale, il n’est de végétation que dans les oasis. L’Égypte, dont la fertilité est presque miraculeuse, n’est à vrai dire qu’une longue oasis, placée à droite et à gauche de son fleuve bienfaisant. Cette admirable contrée n’est qu’un don du Nil, comme l’avait si bien dit le vieux Hérodote. Dans la Tripolitaine, en Tunisie, au Maroc, dès qu’on a dépassé le littoral, c’est toujours sous le même aspect que se présente la végétation. Au milieu du désert, dès qu’il y a de Veau, il naît une végétation, et cette végétation est d’autant plus puissante que la quantité d’eau qu’elle trouve est plus abondante.

Ainsi, ce qui fait la stérilité du désert, ce n’est pas l’absence de terre végétale ni l’abondance du sable ou des pierres ; c’est le manque d’eau. Dans ce Sahara qui semble maudit par la nature, dans cette étendue désolée, mer de pierres et de sables brûlans, dès qu’une petite source apparaît, aussitôt, comme par miracle, la verdure naît alentour ; des oiseaux viennent y boire. ; des arbres croissent et fournissent une ombre protectrice. Mais bientôt la petite source, s’infiltrant dans le sable, absorbée par les rayons du soleil, disparaît. De nouveau renaissent la stérilité et l’impuissance. L’eau est nécessaire à la vie, et dès que cette eau cesse de couler, toute vie s’éteint.

Il suffit d’avoir voyagé quelques jours dans le Sahara pour comprendre cette toute-puissance de l’eau. Ce sont les sources et les puits qui marquent les étapes. Souvent même ces puits ne sont pas sur la