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commencer juste, mais tout à coup on le voyait qui tournait court, et pour ne pas savoir qu’une idée fausse est presque toujours extrêmement voisine d’une idée vraie, il finissait régulièrement aussi mal qu’il avait bien commencé. Mais pourquoi faut-il qu’en art l’exécution soit presque tout ?

Empressons-nous d’ajouter, car on sait si nous voudrions livrer l’art aux virtuoses de la phrase, que les vices de l’exécution, dans la plupart des cas, procèdent, pour peu qu’on y regarde assez près, d’un vice d’organisation. Quiconque manque par telle ou par telle partie du métier, c’est assurément, au point où en est maintenant arrivé M. Zola, qu’il manque de ce qu’il faudrait pour acquérir le métier. Quand un peintre manque par le coloris, la chance est pour qu’il ne possède pas l’œil d’un coloriste, comme quand il manque par le dessin, il se peut sans doute qu’à force de patience et de temps il apprenne à dessiner, mais il est infiniment plus probable, et d’abord, qu’il n’a pas le sens de la ligne. J’attaque ici l’auteur de Pot-Bouille et de Nana sur les vices de son exécution ; c’est plus avant qu’il faut pousser, et jusqu’aux lacunes de son intelligence. On ne tarde pas alors à lui découvrir trois ou quatre défauts, des plus graves, et de ceux à qui, quand bien même son obstination consentirait un jour à chercher un remède, il est probable qu’il ne le trouvera pas.

Il manque de goût et d’esprit tout d’abord, et ce manque-là ne se répare guère. Manquer de goût, c’est ne pas sentir qu’en toute chose, de quelque matière que l’on traite et dans quelque intention que l’on écrive, il est un point à ne pas dépasser. Ai-je besoin, si la définition, comme je crois, est conforme à ce que l’on entend d’ordinaire sous ce mot, d’ailleurs si discuté, qu’il est peu d’écrivains à qui l’application en convienne mieux qu’à M. Zola ? Mais manquer d’esprit, c’est satisfaire ses rancunes ou défendre ses théories littéraires de la façon que fait M. Zola. Ainsi quand il fait du Jocelyn de Lamartine l’instrument de la perversion des cuisinières ou quand il le met aux mains de Mme Josserand vomissant contre ses filles et contre son mari des injures telles que l’auteur de l’Assommoir était seul capable de les trouver. Ainsi encore, quand il fait de l’André de Georges Sand l’entremetteur, — je ne puis pas vraiment dire des amours, car ce serait trop abaisser le mot, — mais du contact d’Octave Mouret avec Mme Pichon, sa voisine. On n’intervient pas comme cela de sa personne dans un récit dont la grande prétention est d’être impersonnel. Et lorsque l’on n’aime pas Lamartine (ce que je conçois quand on est l’auteur des Vers inédits que nous a révélés M. Paul Alexis, le biographe décidément attitré du grand homme de Médan), comme si l’on n’aime pas George Sand (ce qui serait difficile, en effet, quand on est l’auteur de Pot-Bouille), du moins n’associe-t-on pas leurs œuvres aux descriptions où M. Zola les