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être sécularisés. Il ne s’agissait pour le moment que d’une somme peu considérable ; mais la question de chiffre était secondaire ; ce qui était grave, c’était le principe. Les défenseurs de l’église établie ne s’y trompèrent pas. Ils virent dans la clause de sécularisation ou d’appropriation, pour employer l’expression anglaise, le point de départ d’un changement complet dans l’organisation de l’église anglicane en Irlande et peut-être même en Angleterre. Ils la combattirent avec passion. Le cabinet recula devant sa propre audace : il effaça de son bill la clause d’appropriation. Grâce à ce sacrifice, qui fut sévèrement blâmé par les radicaux, il réussit à faire adopter par les deux chambres non-seulement le bill sur les dîmes, mais aussi le bill de coercition. Rien n’était terminé cependant : le bill de coercition n’était voté que pour un an. Le bill sur les dîmes n’était considéré par tout le monde que comme une mesure provisoire. La question de l’église d’Irlande n’était pas résolue, elle n’était que posée. Stanley, malgré son talent oratoire, qui grandissait chaque jour, était dans une situation de plus en plus difficile. Il était en butte à l’hostilité des députés irlandais et en désaccord avec la fraction la plus libérale du cabinet. Littleton prit sa place, comme secrétaire d’Irlande, et on lui donna en échange le ministère des colonies, où il eut l’honneur de proposer et de faire voter l’abolition de l’esclavage. Le marquis d’Anglesey fut en même temps remplacé comme vice-roi d’Irlande par Wellesley. Le triomphe d’O’Connell était complet.

Littleton se mit immédiatement à l’étude de la question et dès le commencement de la session de 1834, il présentait un nouveau bill. Il ne s’agissait plus cette fois d’une mesure provisoire, mais d’une réforme définitive. Littleton réduisait les dîmes irlandaises de 20 pour 100 et les transformait en une rente foncière. En même temps, il demandait pour le gouvernement l’autorisation de faire des avances sur les dîmes en retard jusqu’à concurrence de 1 million sterling. La discussion du bill révéla au parlement et au public les dissentimens qui existaient dans le ministère. Lord John Russell, qui avait toujours été partisan de la clause de sécularisation et qui en regrettait la suppression, eut l’imprudence de dire, sans y être provoqué, que, suivant lui, le parlement avait le droit de désaffecter une partie des revenus de l’église d’Irlande. Cette déclaration, au moins inutile, provoqua les clameurs des tories et les applaudissemens des radicaux. Un de ces derniers, Henry Ward, proposa immédiatement la nomination d’une commission pour étudier les ressources de l’église d’Irlande et faire, s’il y avait lieu, des propositions pour l’application de l’excédent. Le ministère ne s’étant pas opposé à cette motion, elle fut votée, mais quatre membres du cabinet, Stanley en tête, firent scission et donnèrent leur démission. Peu de jours après, nouvel incident. Littleton, sans consulter