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de foi religieuse ; il n’est dû qu’aux dogmes des églises constituées et il ne leur est dû que dans les limites où ces églises sont reconnues par l’état et placées sous la protection des lois. Quiconque professe au nom de l’état est obligé de respecter la divinité du Christ : il n’est pas obligé de respecter les décisions du Syllabus. Il ne doit s’interdire enfin que les attaques directes, non l’exposition de doctrines où des attaques pourraient être supposées par voie de conséquence. Nul ne soutiendrait aujourd’hui que l’enseignement public doit ignorer le mouvement de la terre, parce que la foi biblique pourrait en souffrir quelque atteinte ; mais on voudrait peut-être écarter, sous le même prétexte, les doctrines transformistes : le cas est identique ; il n’est pas plus permis dans une école de l’état de battre en brèche l’autorité de la Bible en invoquant Copernic qu’en invoquant Darwin ; mais l’exposition scientifique de l’hypothèse de Darwin ne doit pas plus être interdite que celle du système de Copernic. Les mêmes règles s’appliquent à l’enseignement officiel de la philosophie. Il peut et il doit prendre parti entre toutes les opinions partout où il ne rencontre pas directement devant lui un des dogmes qui s’imposent au respect de l’état. Il pourrait se prononcer pour la morale utilitaire ; mais il ne lui est pas permis de se prononcer pour l’athéisme. Dira-ton qu’une telle distinction porte atteinte à la liberté des professeurs ? Nul n’est forcé d’enseigner dans une école de l’état et particulièrement d’y enseigner la philosophie. Quand on accepte une fonction publique, on en accepte les obligations et, dans une société fondée sur la liberté de conscience, il n’est pas de devoir plus impérieux pour quiconque parle ou agit au nom de l’état que le respect de la foi religieuse. Ce devoir s’unit ainsi à l’intérêt supérieur de l’éducation nationale pour recommander le maintien, dans les collèges de l’état, d’un enseignement philosophique fondé sur les principes spiritualistes.


V

Au développement de l’esprit religieux l’éducation allemande joint celui du patriotisme. Elle fait surtout, dans ce dessein, appel à l’histoire, dont l’enseignement est dirigé de telle façon qu’on y trouve à toutes les époques et dans les moindres faits des raisons d’aimer ou de glorifier la pairie. On y cherche aussi, M. Bréal le reconnaît, des motifs constans de mépriser ou de détester l’étranger. Le patriotisme que l’on professe dans les gymnases allemands est un patriotisme fait de haine : l’enseignement historique ne néglige aucune occasion d’entretenir la haine de l’ennemi héréditaire, la haine de la France. L’histoire ne peut qu’être faussée quand