Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Londres réorganisé ne sera pas trop fort pour le bon ordre du pays ? Londres n’est pas, par ses traditions, un état dans l’état comme Paris, il ne ressemble pas non plus à une ville manufacturière, dominée par une classe dangereuse. Londres est trop vaste, formé d’élémens trop divers pour qu’on ait à y redouter des émotions populaires. En tout cas, quelque tapage que fassent les radicaux, il ne saurait être question pour le gouvernement de se dessaisir de la police ; celle-ci forme un corps de 10,000 hommes bien disciplinés qu’on ne mettra pas sous les ordres d’un conseil municipal. Un autre danger, c’est la richesse de la nouvelle municipalité. Que Londres tombe entre les mains d’une commune, comme Paris, cela semble peu probable. On craint plutôt de voir se produire des faits comme ceux qui ont donné un si mauvais renom à New-York. On n’a pas oublié que la corporation démocratique de cette ville a poussé la corruption et la concussion à un degré inouï.

Les radicaux espèrent adoucir l’opposition en proposant de créer un ministère spécial qui aurait pour mission de s’occuper des affaires de la capitale et d’être l’intermédiaire entre le parlement et la municipalité. Des libéraux vont plus loin : ils voudraient armer le ministre de l’intérieur d’un droit de veto et permettre au cabinet de suspendre, par un ordre en conseil, l’exercice des privilèges municipaux de la capitale.

Cette nouvelle tentative qu’on fait pour réformer l’administration de Londres aura-t-elle un meilleur sort que les précédentes ? L’avenir le montrera. En attendant, il nous a paru opportun de décrire en détail l’un des organes les plus importans du Londres actuel, — le Metropolitan Board of works, — dont l’existence est menacée par les radicaux.


I

La dernière proclamation royale, interdisant la construction de nouvelles maisons à Londres, date de 1674. Depuis cette époque, la royauté anglaise n’a plus élevé d’obstacles ni d’objections à l’agrandissement de la capitale. Les Tudors et les Stuarts avaient des motifs de jalousie, d’inquiétude, de crainte que l’histoire justifie. Le nombre des habitans, la grandeur de la ville, relativement aux autres villes du royaume, étaient bien plus considérables alors qu’à présent. De plus, la cité exerçait aux XVIe et XVIIe siècles une influence marquée sur les affaires politiques de l’Angleterre, à peu près la même influence que Paris exerce aujourd’hui en France. Les bourgeois de Londres intervenaient activement, par des émeutes, dans la conduite du gouvernement ; leur hostilité avait déterminé, en partie, la chute de Charles Ier. Il était naturel que son fils s’efforçât de prendre des