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la bonne entente, non-seulement réelle, mais apparente des deux puissances, ajoutait catégoriquement : « Il est à peu près certain aujourd’hui pour moi que, si le cabinet de Londres a envisagé l’éventualité d’une action effective des deux puissances à l’appui de la note collective, ç’a été en fin de compte pour l’écarter… Lord Granville entendait que la note collective ne devait être considérée que comme un encouragement purement platonique qui n’impliquait la promesse d’aucune sanction. » N’importe, M. Gambetta, interprétant à son gré les communications que lord Lyons lui faisait au nom de lord Granville, persistait à croire qu’il n’y avait qu’un malentendu sur le « mode d’action » à déterminer, non sur le principe même de l’action ; il ne voyait là qu’une « nuance, » pour parler son langage. Il restait persuadé que les réserves de l’Angleterre n’excluaient pas l’hypothèse d’une intervention à décider en commun. « L’union de la France et de l’Angleterre persiste et s’accentue, » continuait-il à dire, — et c’est de même jusqu’au bout.

Ainsi M. Gambetta va, comme on dit, de l’avant. Il affirme ce qu’il désire ; il fait de la diplomatie d’illusion, d’impatience, et il ne désespère pas dans tous les cas de décider l’Angleterre à sortir de sa réserve, à accepter les conséquences de la démonstration à laquelle elle s’est associée. Avec l’Angleterre il est prêt à tout. Lord Granville, pour sa part, ne va pas si vite. Il s’est fait un devoir de réduire les engagemens de l’Angleterre à leur plus simple expression, de ne laisser aucun espoir à ceux qui croiraient pouvoir compter sur le concours actif des forces britanniques. Il n’a même pas l’air de prendre trop au sérieux tout ce mouvement que se donne le chef du cabinet français, et, si on le presse un peu, il ira jusqu’à dire qu’en souscrivant à la note du 7 janvier, « il n’a jamais pensé que cette note pût être d’aucune utilité. » Il fait de la diplomatie sans conséquence, et chose curieuse, significative, lord Granville semble redoubler de réserve, de circonspection, à mesure qu’il voit M. Gambetta plus menacé dans son existence ministérielle, dans son crédit parlementaire. Alors il paraît éviter les entretiens ; il est absent de Londres ; il a besoin de se concerter avec M. Gladstone. Il ne s’explique pas, ou, s’il s’explique, c’est pour dire que toutes les combinaisons lui semblent également mauvaises. Il écoute poliment les considérations que M. Challemel-Lacour lui expose, il demande même à notre ambassadeur de les lui répéter ; il lui promet de reprendre la conversation dans quelques jours, — et on est au 25 janvier ! Lord Granville attend visiblement la fin de la crise française, si bien qu’au moment où il tombe, M. Gambetta disparaît après s’être beaucoup agité pour ne rien faire ; il emporte ses interprétations, ses projets et ses rêves ! Tout est changé désormais par le coup de théâtre intérieur.

Cette fois du moins, avec le nouveau ministère français, une entente