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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La crise égyptienne a continué d’absorber pendant la seconde quinzaine de juin toute l’attention du monde financier. Les transactions ont été paralysées par la crainte des complications qui peuvent surgir, et même la réunion de la conférence n’a pu rendre quelque confiance en une solution prochaine des difficultés. La baisse des valeurs orientales, conséquence naturelle et forcée des événemens qui se sont passés en Égypte et de l’attitude prise par la Turquie, a exercé la plus funeste influence sur l’ensemble du marché et déterminé un mouvement général de réaction auquel n’ont échappé que les valeurs déjà parvenues à des prix trop dépréciés pour rester sensibles à l’action des impressions politiques.

La spéculation, à Londres, avait pris depuis plusieurs mois de très grosses positions à la hausse sur les fonds turcs, sur la Banque ottomane et sur les catégories diverses de la dette égyptienne. On considérait l’obligation unifiée comme un placement désormais à l’abri de toute atteinte, comme une valeur destinée à trouver place, à côté des consolidés britanniques, dans les portefeuilles des capitalistes les plus soucieux de sécurité. Lorsque les troubles ont éclaté au Caire, il y a deux mois, la conviction était si bien établie à Londres comme ici que le contrôle européen allait sortir fortifié d’une crise qui ne pouvait être que passagère, que la spéculation a commencé par faire monter l’unifiée jusqu’à 360. Bientôt cependant il fallut se rendre à l’évidence et reconnaître que l’on s’était trompé. On ne peut encore prévoir si le contrôle sera un jour rétabli et comment il pourra fonctionner. Pour le moment, il est virtuellement détruit. Des milliers d’Européens ont quitté l’Égypte après les massacres d’Alexandrie, les impôts ne rentrent plus qu’irrégulièrement, tandis que les dépenses vont s’accroître et que les anciennes traditions de gaspillage auront sans peine raison des arrangemens internationaux concernant la perception des revenus.

Depuis le 1er juin, le 5 pour 100 Turc a perdu 1 fr. 10, ce qui représente 10 pour 100 de sa valeur actuelle ; la Banque ottomane a reculé de 805 à 740, et l’obligation unifiée de 347 à 270. Le mouvement de baisse a donc atteint 65 francs pour la première et 77 pour la seconde. Parmi les acheteurs en spéculation, il en est certainement qui ne pourront faire honneur à leurs engagemens ; il s’ensuivra des réalisations, et la situation de ceux qui auront pu tenir jusqu’à ce jour, payer leurs différences et se faire reporter, se trouvera encore