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par des collines qui se fondent dans la brume. Deux taches d’un bleu plus sombre, pointues, caractéristiques, les pyramides de Gizeh, leurs lignes dures et nettes faisant un rare contraste avec les lignes molles du paysage. Directement sous nos pieds, la citadelle, la mosquée de Méhémet-Ali et sa large coupole et ses uns minarets. Puis, à droite, à gauche, autour de notre montagne, le désert, ici rose et orangé comme en face il est bleu : effets de lumière étranges et magiques ! Comme sur une carte de géographie déroulée à nos pieds, nous voyons que ce qui se nomme l’Egypte est une bande étroite enserrée par le désert, longue oasis découpée en vert sur le sable. A nos pieds aussi et touchant au désert, les vieilles nécropoles, les tombeaux des califes, solitaires mosquées ruinées, grandioses dans leur abandon. Peu à peu les couleurs se transforment, les ombres deviennent plus bleues, la lumière qui va nous quitter plus douce et plus éclatante. Elle a comme un moment de triomphe éblouissant : les minarets sont d’or, les champs nouvellement semés d’émeraude, le ciel verdit. Puis, rapidement, tout se calme, les ombres semblent s’effacer avant la lumière ; une grande teinte pourpre, puis violette, puis bleu indigo, envahit tout, le désert, la ville, l’immense horizon. La citadelle seule se découpe un peu dure sur ce ciel de joyaux. Nous redescendons précipitamment par un sentier à peine frayé, dévalant entre les pierres et les rochers. L’obscurité arrive brusquement, et il ne fait pas bon être ici à la nuit.

Nos ânes nous attendent à mi-chemin de la montagne. Quoique tout le reste semble éteint, les roches blanches, dorées d’un dernier reflet, sont encore d’une richesse de tons exquis contre le ciel vert et assombri. Nous prenons des voitures à la citadelle et rentrons à la nuit déjà complète à travers un dédale de rues étroites. Partout des transparens, des cordons de lanternes vénitiennes, des drapeaux et de la musique : c’est le dimanche des musulmans et jour de noces et de réjouissances.


Noël.

Quel temps merveilleux ! Il faut se répéter que nous sommes en plein hiver pour bien en jouir. L’église anglaise est décorée d’immenses bouquets, croix, guirlandes, de roses, de jasmins, d’héliotropes, de palmes. La chaire flamboie, ornée de trophées de poinsillades écarlates. Ah ! les pauvres amis de France, qui se morfondent sans doute dans la boue, le brouillard ou le givre, que nous voudrions leur envoyer un rayon de notre soleil, un peu de notre